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remettait à la régente la démission du cabinet, la forçant à un choix redoutable, où peut-être la femme pencherait d’un côté et la reine de l’autre, entre lui et l’inconnu. Tout cela parce que, à la fin de 1896, le général Polavioja avait été envoyé à Manille, au lieu du général Primo de Rivera ; parce que, au commencement de 1897, Primo de Rivera y avait été envoyé en remplacement de Polavieja. Et les journaux d’un parti publiant la « feuille de services » d’un de ces généraux, ceux du parti adverse ripostaient : Feuille de services du maréchal Martinez Campos, — du maréchal Blanco, — du général Weyler ; comme s’ils se les fussent montrés, en s’en menaçant, et comme s’ils se disaient : « Vous avez celui-ci ; mais nous en avons d’autres, et qui le valent bien. Essayez ! »


Le choix est fait : entre M. Canovas et l’inconnu, la reine, en toute liberté et, selon la formule, « de sa certaine science, puissance et autorité », s’est décidée pour M. Canovas. Eclairée par tous les avis qu’elle a pris, elle s’est rendu compte que, dans les circonstances difficiles par où passe l’Espagne au dedans et au dehors, il n’était pas, pour s’y appuyer, un bras plus sûr et ce n’était pas un bras trop fort que celui qui a relevé le trône. Elle a solennellement maintenu sa confiance aux conservateurs qui restent aux affaires avec les mêmes hommes et le même programme ; puisque cette question de confiance était devenue nécessaire, il vaut mieux qu’elle ait été ainsi posée : désormais on ne saurait parler d’arrière-pensée, de secret désaccord, de contre-politique, de gouvernement occulte, et quoi qu’il arrive du fait des partis mécontens, la crise constitutionnelle, en ce qu’elle pouvait avoir de plus dangereux, est ou conjurée ou réduite : elle ne trouvera pas le pouvoir exécutif divisé ; elle trouvera la couronne et le cabinet en parfaite union, — union rajeunie et hier à nouveau scellée — de vues, d’intérêts et de sentimens.

Le problème colonial demeure au premier plan. Quand, dans