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prépare à ce grand séminaire ? De petits séminaires : les collèges de Saint-Jean de Latran et de Saint-Thomas encore, tous deux aux mêmes dominicains ; l’Athénée municipal, aux Jésuites ; le collège de Saint-Joseph au clergé séculier.

Exception ou dérogation est faite ou commence à être faite pour l’enseignement primaire, auquel pourvoit maintenant l’école normale de Manille, mais cet enseignement est encore inerte et mort ; il se borne à la lecture et à l’écriture, on peut dire mécaniques : car les enfans, garçons et filles, qui peuplent en foule les écoles, font avec des maîtres ce que leurs parens faisaient tout seuls à force d’attention et de patience : ils arrivent à lire l’espagnol sans l’entendre et à l’écrire en dessinant la forme des lettres. Après trois cents ans d’occupation, l’Espagne n’a pas pénétré plus avant dans la tête de l’Indien des Philippines ; bien que, malgré tout ce qu’on a prétendu, elle l’ait traité plutôt doucement, elle n’a pas touché son cœur : l’âme elle-même s’échappe à travers les mailles du filet chrétien, retourne vers les superstitions des ancêtres, ou vole à la franc-maçonnerie comme à une sorcellerie nouvelle, aussi mystérieuse que l’autre et, dans le pauvre esprit de cette race conquise, — qui sait ? — peut-être libératrice.


III

Seize loges à Manille, affiliées au Grand-Orient d’Espagne, et une au moins dans chaque pueblo de cette province ; une loge au moins dans les autres provinces de Luzón, ainsi que dans Zamboanga et dans les Visayas ; un club-loge anglo-allemand, dont le capitaine général, le commandant en second, le président du tribunal, le directeur de l’administration, le gouverneur civil et le commandant général de la marine ont accepté d’être membres honoraires et où des généraux fréquentaient quotidiennement ; une loge encore, exclusivement allemande celle-là, et rattachée au Grand-Orient de Berlin : l’Union Germanique ; puis la « Société de tir » de San Juan del Monte, centre commun aux Suisses, Belges, Français et Hollandais, qui une fois par an sort en armes dans les rues de Manille, évolue sous le commandement du gouverneur général et défile devant lui[1] ; en tout, assure-t-on,

  1. La Masoneria en Filipinas, estudio de actualidad, por Francisco Engracio Vergara ; Paris, 1890. — Cf. Politica de España en Filipinas et El Katipunan, por D. J. Castillo.