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gouverne-t-elle et administre-t-elle cette masse non espagnole ? Au sommet, le gouverneur général, qui réunit presque tous les pouvoirs, qui est plus que n’était jadis un vice-roi du Pérou, qui commande l’armée, dirige la politique, de qui relèvent les affaires civiles, et à qui les affaires religieuses elles-mêmes ne sont point absolument étrangères, puisqu’il exerce le patronat royal vis-à-vis de l’Église[1], est comme le vicaire de la couronne, et, représentant la personne du prince, comme « l’évêque extérieur » pour les Indes orientales. Le gouverneur général est toujours, au moins depuis 1824[2], un officier, capitaine ou lieutenant général, et le gouvernement général des Philippines est en même temps une capitainerie générale. Au sommet, donc, le régime militaire[3] ; les âmes appartiennent à l’archevêché : le capitaine général et l’archevêque, à eux deux, détiennent ainsi la somme de l’autorité ; ils la détiendraient toute, sans réserve ni recours, si la justice n’était du ressort de la Audiencia.

Les provinces forment soit des gouvernemens civils, alcaldias mayores, confiés à des juristes ou hommes de loi, letrados, soit des gouvernemens ou commandemens politico-militaires. A la seule île de Luzón, et seulement à certaines parties de cette île, se borne jusqu’à présent le champ d’expérience du régime civil : les Visayas, Mindanao et Jold, les îles adjacentes, sont territoire militaire[4].

Voilà la part des Espagnols, et voici celle des indigènes. Les Espagnols tiennent l’Etat et la province ; aux indigènes, ils abandonnent la commune. Chaque pueblo, — traduisons par commune, — possède une espèce de mairie, tribunal, où siège la Principalia, assemblée des membres et anciens membres de l’ayuntamiento, — disons : du conseil municipal — et de ceux qui occupent des emplois officiels, de l’Etat ou de la commune, un conseil des notables. Le chef de la commune est le gobernadorcillo, diminutif légèrement dérisoire, le « petit gouverneur » ;

  1. Voy. Regio patronato español e indiano, por el P. Matias Gómez Zamora, dominico, del Consejo de Filipinas, Madrid. 1897.
  2. Voyez la liste des capitaines généraux, dans Scheidnagel, p. 94, 95.
  3. Le gouverneur est assisté d’un secrétaire général, de deux directeurs généraux, l’un, des finances publiques, l’autre, de l’administration civile ; d’un chef d’état-major et de sous-inspecteurs des différentes armes, du commandant de la station navale ; enfin, d’un Conseil d’administration.
  4. Là encore, en général, les pouvoirs et les fonctions sont ou confondus ou très imparfaitement séparés ; et, dans telle province, les gouverneurs sont en outre et tout ensemble, administrateurs des finances et juges de première instance.