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« nous ferons un état de toutes vos acquisitions… nous n’oublierons pas la Pologne et nous compterons après. »

Cependant, le 3, la députation avait offert la ligne de la Moselle, avec un commentaire de réserves, en dix-huit articles : liberté du culte catholique, conservation des biens d’Église. Les Français refusent, en une note sèche et dure. La députation se désespère. Albini s’emporte jusqu’à « une pantomime assez héroïque » ; il parle de mettre en marche l’armée de l’Empire, d’appeler aux armes les milices rhénanes. Mais les Prussiens ne veulent point de guerre, ni Bade, ni Darmstadt, ni la ville libre de Francfort. Avec la guerre on risque de tout perdre ; à suivre l’Autriche on risque de ne rien gagner. Les autres cours se rangent à cette opinion intéressée ; mais il faut que les Français fassent un pas, prononcent quelque bonne parole, adoucissent le dernier sacrifice. Treilhard, soufflé par Gœrtz, va voir Albini et l’assure qu’il n’y aura pas de sécularisation totale ; qu’on ne prendra des abbayes sur la rive droite que pour indemniser les laïques de la rive gauche ; et que l’Electeur de Mayence, privé, il est vrai, de sa ville épiscopale, conservera ses terres de la rive droite, c’est-à-dire presque tous ses revenus. La grâce opère : Albini est converti, et son exemple emporte les dernières hésitations. Le 9 mars, la députation consent à la cession totale de la rive gauche, sauf les quelques réserves indiquées le 3 et sous la condition que les Français évacueront la rive droite. Les Français ne voient là que des « simagrées » insignifiantes. « Sacré Dieu ! dit Treilhard au Prussien qui lui apporte la nouvelle, qu’il faut donc de documens ! Nous tenons ces pays ! qu’ils viennent les reprendre s’ils en ont envie ! » La République n’en avait pas encore fini avec les « documens ». Il en manquait un, qui n’était pas une simple formalité : c’était le consentement de l’Empereur, et ce prince était plus que jamais résolu a ne le donner qu’au prix cent fois exigé par lui : toute la terre ferme de Venise et les Légations. Or, ce prix, le Directoire était plus que jamais décidé à le refuser.


IV

Dans la pensée des Directeurs, la conquête des limites de la Gaule, avec leur bastion avancé : la Hollande ; leur contre fort : l’Allemagne refondue, devait avoir pour complément et pour