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la division. Vous n’êtes plus Mayençais, Palatins, sujets des Deux-Ponts, vous êtes Francs, membres de la grande nation qui a affranchi les Belges, les Bataves, les Italiens. Le Rhin forme la limite entre la liberté et la tyrannie. — Les Allemands n’ont qu’à lire, à entendre, à prendre acte du fait accompli. Pour lever les dernières résistances, le Directoire annonce l’envoi à Rastadt du suprême machiniste de sa politique, Bonaparte. Talleyrand le mande, le 7 mars, à Treilhard, et il ajoute le 9 : « Vous demandez si nous voulons l’équivalent de l’Autriche pour nous assurer de son consentement. Non. Elle aura tout ce qui a été promis à Campo-Formio, mais il faut qu’elle prenne sa part dans les dépouilles du clergé allemand. » Quant aux Prussiens, qu’ils se montrent faciles sur l’article du Rhin : « alors leur cause deviendra la nôtre ; non seulement la Prusse sera indemnisée de ce qu’elle aura cédé, mais elle obtiendra, par notre concours, l’équivalent avantageux de tout ce que l’Autriche pourra acquérir au midi de l’Allemagne. » Le 13, le Directoire enjoignit à ses plénipotentiaires de poser un ultimatum et de se retirer si la rive gauche du Rhin n’était pas cédée sur-le-champ, sans conditions et sans réserves.

L’ultimatum était inutile. La députation avait capitulé. Vainement avait-elle essayé de disputer sur le mot de frontière naturelle, et insinué que si l’on en voulait une, absolument, la Moselle en pouvait tenir lieu. L’Autrichien Lehrbach, sortant, le 26 février, de la séance, rencontra Treilhard qui s’en allait dîner chez Bonnier. « Sans toute la rive gauche, s’écria Treilhard, la guerre recommence demain. » Et il lui tourna le dos. Lehrbach l’alla retrouver chez son hôte, après le dîner. Dès que Treilhard l’aperçut, il l’entraîna dans une chambre voisine, frappa, comme un furieux sur la table, et cria encore : « L’Empire veut la guerre, vous l’aurez ! » La conversation dura trois heures et ne conduisit à rien. « Si la France renonce au Rhin, disait Treilhard à Cobenzl, comment prendrez-vous la Bavière ? » Et aux Prussiens, auxquels il donna un dîner magnifique : « Ou vous n’employez pas de crédit, ou vous n’en avez pas !… L’Empire a-t-il 400 000 hommes à opposer aux Français ? » Treilhard et Bonnier reprirent la conversation, le 5 et le 6 mars, avec les Autrichiens, sentant bien que même si la députation cédait, sans la ratification de l’Empereur, on n’aurait qu’une pièce de procédure. Mais Cobenzl se montra intraitable : il voulait la ligne du Mincio. Soit, dit Treilhard,