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projets serait de donner le Mecklembourg à la Prusse, de placer « sur la Baltique une quatrième puissance maritime, et de faire que les pavillons de Prusse et d’Autriche puissent, à leur grande surprise, se rencontrer et se combattre un jour. » On établirait en Souabe une puissance intermédiaire entre la France et l’Autriche. Enfin une réforme de la constitution de l’Empire serait la conséquence de cette « refonte du corps germanique ». Il n’y aurait plus de collège électoral ; l’Empire serait héréditaire, mais alternatif entre la Prusse et l’Autriche : l’un des souverains étant empereur et l’autre roi des Romains.

Pour faire prévaloir ces desseins, le Directoire ne voulait point de diplomates de profession. Il redoutait sinon leurs scrupules, au moins leur timidité, leur attachement aux vieilles procédures, leurs observations surtout. Barthélémy s’était montré toujours docile au Comité de l’an III, mais si sa prudence avait parfois été utile, ses conseils avaient toujours paru importuns, et d’autant plus qu’ils étaient plus sages. Rewbell se le rappelait. En faisant désigner deux légistes, conventionnels, régicides, fructidoriens, autoritaires et aussi peu suspects l’un que l’autre de faiblesse pour la « faction des anciennes limites », Treilhard et Bonnier, Rewbell crut assurer au Directoire autant d’obéissance à ses ordres que d’arrogance envers les Allemands. Du reste, au moins au début, Bonaparte devait avoir la haute main sur les affaires. C’est à lui que s’en remettait le Directoire, car, pour négocier aussi bien que pour combattre, les Directeurs, en dernière analyse, revenaient toujours au blanc-seing et aux adulations. « Votre présence et votre génie hâteront la marche pesante des négociations germaniques », lui écrivait La Revellière, le 26 octobre, en lui annonçant qu’il aurait la présidence de la légation. Et le 13 novembre, en lui transmettant les pleins pouvoirs, Talleyrand ajoutait que, pour compléter, à Rastadt, « le traité glorieux » de Campo-Formio, « le Directoire ne comptait pas peu sur l’ascendant de son génie et sur les efforts de son zèle. »


II

Bonaparte n’avait pas besoin d’être stimulé. En passant à Turin, il dit à Miot : « Je ne puis plus obéir ; j’ai goûté du gouvernement et je ne saurais y renoncer. Mon parti est pris ; si je ne puis être le maître, je quitterai la France. »