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grande partie des territoires allemands de la rive gauche du Rhin par l’Empire, qui, seul, avait qualité pour les céder. La Prusse, à Berlin, en 1796, avait, pour les territoires qu’elle possédait sur cette rive gauche, conclu une convention éventuelle d’échange. Un congrès des États de l’Empire était convoqué à Rastadt.

Mais la cession faite, rien ne serait achevé et tous les traités demeureraient vains tant que l’Angleterre n’y aurait pas consenti. Pour la contraindre, autant que pour s’assurer la libre possession de la Belgique, le Comité de l’an III avait conquis la Hollande et se l’était assujettie ; le Directoire s’était assuré l’alliance de l’Espagne et il espérait entraîner cette cour par l’appât d’un partage du Portugal. L’annonce de la paix avec l’Autriche avait été accompagnée d’un cri de guerre contre les Anglais. Le Directoire réunit à grand fracas une armée d’invasion qui devait être commandée par Bonaparte. Il ferma les côtes de France aux marchandises anglaises ; il prononça la confiscation de ces marchandises dans tout le territoire de la république ; il les déclara de bonne prise, même sous pavillon neutre, et il tâcha d’imposer les mêmes mesures à ses alliés de Hollande et d’Espagne. L’Allemagne, dès qu’elle serait pacifiée, devrait être fermée à son tour. Le ministre de Portugal fut arrêté et mis au Temple. Augereau reçut l’ordre de préparer à Perpignan une expédition contre ce royaume. Les Anglais, chassés de partout, n’auront plus pied sur le continent ; tous les marchés seront interdits au commerce anglais, du Holstein à Gibraltar. En même temps, la flotte espagnole et la flotte hollandaise combinées contiendront les flottes anglaises ; Bonaparte passera la Manche et marchera sur Londres ; une insurrection nationale en Irlande, une révolution démocratique en Angleterre, une diversion de Tippo-Saïb aux Indes compléteront ces mesures formidables. L’Angleterre sera perdue. « De quelque éclat qu’elle paraisse environnée, écrivait Talleyrand, sa position est effrayante, et sa chute peut être instantanée et terrible. »

Telles sont les vues du Directoire dans les semaines qui suivent la ratification du traité de Campo-Formio. Toutefois ce traité est encore lettre morte : il faut se faire livrer Mayence par les Autrichiens et leur livrer Venise, qui est le prix du marché. Or, le Directoire se flatte d’obtenir Mayence et de garder Venise. Il se propose de tirer du congrès ce double avantage : compléter Campo-Formio en Allemagne par la cession totale de la