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matin en hiver, est une scène de mœurs populaires, bien parisienne, qui trouvera sa place naturelle à l’Hôtel de Ville, non loin du Marché des Halles de M. Lhermitte (Salon de 1895). Il y a de la bonne humeur, de l’entrain, de l’esprit pittoresque, dans le groupement et dans les expressions de tous ces travailleurs affamés du matin. Que n’est-il passé un peu plus de cet entrain et de cette gaieté dans le coup de pinceau qui reste timide, mince et gris ? Des trois panneaux qui composent le triptyque des Poèmes des Champs par M. Fourié, poèmes réalistes, et même un peu vulgaires, le premier, les Joies, une ripaille de paysans, à l’ombre des pommiers, dans un verger normand, rappelle, par sa grosse joie, la scène de noces, en un lieu semblable, très vivante et très chaleureuse, qui fit naguère la réputation du peintre. Est-ce une erreur de notre mémoire ? Il nous semble que cette ancienne kermesse était plus fortement peinte, plus montée de ton, plus solide en pâte, que ne l’est cette dernière, où les conseils, utiles en pareil cas, de Rubens et de Hals, semblent moins écoutés. Néanmoins les figures y sont bien groupées, vraies, vivantes. Dans le panneau suivant, les Travaux de la moisson, avec les gerbes mûres empilées comme un monceau d’or sur la charrette, des groupes de moissonneurs et moissonneuses, il y a plus de vide et plus d’incertitude. On trouve un sentiment plus personnel, avec une présentation plus pittoresque, dans le troisième panneau, les Deuils, où l’on voit des braves gens, le jour des Morts, apportant des fleurs sur les tombes aimées dans l’enclos de la vieille église.

A défaut d’un parti pris savant ou habile dans la distribution lumineuse ou les groupemens de figures, c’est par une intensité et une sincérité remarquables d’observation, par un souci marqué d’exactitude et de vérité, que M. James Tissot reste un excellent artiste dans sa Réception à Jérusalem du légat apostolique du Saint-Siège, S. E. Mgr le Cardinal Langénieux, par le patriarche, S. R. Mgr Piavi. Que n’a-t-on pas reproché à cette toile ? L’insuffisance de l’aération, la monotonie de la lumière, la confusion des plans, le placage des figures les unes sur les autres, la lourdeur des vêtemens, le détail excessif des architectures. Quelques-uns de ces reproches, dans une certaine mesure, peuvent être mérités. Remarquons toutefois que ces défauts sont précisément ceux que les voyageurs académiques d’autrefois ou les voyageurs mondains d’aujourd’hui signalent trop aisément dans les spectacles de ce genre peints, en Italie, au XVe siècle, par les