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vent montent au ciel. Des moulins à prières sont encastrés dans tous les murs du Gompa et chacun doit les faire tourner au passage. C’est une sorte de cylindre qu’un rien met en mouvement et qui vous moud des prières sans nulle fatigue. Le Um, mani padmi hum, la prière fondamentale du bouddhisme est gravée tout autour, mais il faut prendre soin de tourner de droite à gauche et non pas de gauche à droite. C’est le Um, mani padmi hum qu’ils répètent également sur les grains de leurs chapelets. On voit dans une ruelle de cet Himis, qui n’est pas un village, — mais uniquement ce grand monastère et ses tenanciers, métayers et métayères appartenant au Gompa, — s’élever en un angle un grand moulin entouré de deux étages de moulins, plus petits sur plus grands, et priant tous par la force hydraulique. Il y a encore une autre invention qui, à titre de voyageuse destinée à achever son voyage à pied, me sourit assez : ce sont les petits papiers jetés au vent priant le ciel de les changer en chevaux pour aider les voyageurs en détresse. Beaucoup de gens tiennent à la main un moulin à prières emmanché, qu’ils font tourner sans cesse comme une crécelle. C’est l’accessoire de mes coolies, porteurs ou conducteurs de tatous, quand ils ne sont pas occupés à filer la laine.

Je ne parlerai pas du riche trésor du Gompa, le seul Gompa de ce pays qui n’ait pas été pillé au moment de la conquête du Ladak par l’Etat de Kashmir, il y a cinquante ans. Le Wazir possède une des clefs de ce trésor qui ne peut être ouvert que devant lui et par décision du Durbar. Il ne faut pas que les lamas soient tentés de transporter leurs richesses sur le sacré et inviolable territoire du Grand Thibet.

Quelques Gompas sont souvent de longues périodes sans posséder de Grand-Lama vivant ; ils sont alors, comme Himis, dirigés par un supérieur, un Shagjhot ; les incantations se font attendre, mais, grâces soient rendues à Bouddha ! Himis possède maintenant un Grand-Lama en bas âge, élevé et éduqué à Lassa. Il n’y aura plus qu’à le décider à venir occuper sa résidence, ce qui souffre quelquefois des difficultés. Nous n’avons vu que le trône sur lequel il sera adoré après sa mort à côté des autres Grands-Lamas qui l’ont précédé.

A la porte du Gompa, on nous présente un grand bras et une main de mort fort bien momifiés ; un flot d’une vingtaine d’écharpes de soie est fixé au haut du bras et lui sert d’ornement