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monde savant l’étudia avec zèle et ses destinées devinrent tout à coup éclatantes. Ses principes donnèrent lieu à des discussions passionnées. Entraînés par des hommes profondément convaincus, tels que le procureur général Von Scharwze et le docteur Leonhardt, ministre de la justice de Prusse, beaucoup de criminalistes allemands crurent découvrir dans l’échevinage le remède aux inconvéniens que nous avons signalés dans l’institution du jury, et surtout le remède aux difficultés et aux malentendus qui naissent dans les rapports entre les deux magistratures de la distinction du fait et du droit. C’est au cours de ces controverses célèbres que le docteur Leonhardt, alors ministre, déclara au Reichstag que le jury « semblait une institution qui penche vers le déclin de sa vie, tandis qu’à l’aurore apparaissent les échevins ! » L’enthousiasme (le mot n’est pas trop fort) inspiré par cette doctrine prit de telles proportions qu’on parut un instant disposé à substituer dans le nouveau code d’organisation judiciaire la justice des échevins (Schöffengerichte) à toute autre magistrature. Peu s’en est fallu que l’organisation des juridictions pénales de l’empire ne se bornât à trois classes, trois échelons de tribunaux d’échevins, destinés à juger les menues infractions, les délits et les crimes.

Il y eut pourtant des résistances, et, à la suite d’un « compromis » célèbre, le Parlement s’arrêta à un système mixte… qui ne brille, il faut en convenir, ni par la logique ni par l’unité. Depuis vingt ans, le tableau des juridictions répressives de l’Allemagne est une sorte de carte d’échantillons des systèmes variés que l’on peut mettre en œuvre pour composer un tribunal avec ou sans l’élément laïque. Au bas de l’échelle, un juge unique entouré d’échevins juge les petits délits et les délits plus graves qui sont, en très grand nombre, renvoyés à cette juridiction par la Chambre criminelle du tribunal régional, faisant légalement œuvre de correctionnalisation. Au-dessus, le tribunal régional, composé de magistrats permanens, sans aucune adjonction de l’élément laïque, juge les délits graves et les crimes les moins importans. Enfin, les grands crimes sont encore jugés par un jury fonctionnant à côté de magistrats, suivant une organisation assez analogue à la nôtre.

Il nous faut borner à ces quelques traits le tableau que nous pouvons tracer ici de l’organisation de l’échevinage en Allemagne.

Depuis vingt ans, cette institution fonctionne dans toute