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sation diplomatique. On a pu la reprendre en effet d’autant plus à loisir que l’armistice doit durer autant que les négociations elles-mêmes, ce qui était lui assigner une durée indéfinie et enlever à l’une et à l’autre des deux parties, à la Grèce notamment, la crainte d’un recommencement possible des hostilités. Désormais, pourquoi se presser ? On a commencé en quelque sorte par faire la paix, sauf à en discuter ensuite les conditions à tête reposée. Avec des diplomates aussi prodigues du temps que le sont les Turcs, il y a tout lieu de croire qu’on n’est pas encore à la veille de conclure. Il y a tout lieu de penser aussi que, l’imminence du danger ayant disparu, les prétentions des Grecs n’ont pas diminué, et on sait que M. Rhallys les a exprimées dans une formule brève et claire, qui consiste à dire qu’il ne cédera rien du tout. On en est là. De quelque côté que nous nous tournions, nous n’apercevons rien de nouveau, rien même qui commence à poindre à l’horizon.

Il en est en Crète comme ailleurs. Les Grecs sont partis officiellement ; les derniers soldats du colonel Vassos ont été embarqués ; mais certaines nouvelles permettent de croire que plusieurs sont revenus à titre individuel, ce qui leur était d’autant plus facile que le blocus n’existe plus : au reste, quand le blocus existait, ils n’y éprouvaient pas sensiblement plus de difficultés. Quoi qu’il en soit de l’avenir, rien ne devrait gêner en ce moment l’action des puissances. L’Europe a réalisé en Crète la première partie de son programme ; mais à quand la seconde ? La Crète lui appartient autant qu’elle lui appartiendra jamais. Il n’y reste que quelques soldats turcs, et c’est elle qui a demandé qu’ils y restassent jusqu’à nouvel ordre. Ces soldats continuent de maintenir, dans une certaine mesure, la sécurité de leurs nationaux. La situation, en fait, n’est pas bonne, mais elle est provisoirement tolérable : il est certain, pourtant, qu’elle ne peut pas se prolonger ainsi. L’Europe doit prendre un parti en vue d’assurer, avec l’autonomie de l’île, l’exécution des réformes promises. Pour cela, il faut d’abord nommer un gouverneur ; il faut ensuite lui assurer les moyens de faire respecter son autorité. Qu’est-ce qu’on attend ? Personne n’en sait rien. On parlemente avec les chefs insurgés, qui se soumettent plus ou moins : ils ne se soumettront réellement que lorsqu’ils verront en face d’eux une force organisée, politiquement et militairement, capable de leur tenir tête au besoin et de les faire rentrer dans le devoir. Malheureusement cette force n’existe pas encore, et comme les lenteurs qui se produisent sur ce point et pour cet objet particuliers ne viennent, ni de la Porte qui a pris le parti