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les radicaux, et c’est grâce à son concours fidèle que M. Clemenceau, pour ne citer que lui, a renversé tant de ministères. Elle croyait alors que le bien, ou du moins ce qu’elle appelait ainsi, ne pouvait sortir que de l’excès du mal, et elle se prêtait volontiers à tout ce qui pouvait augmenter le trouble et la confusion. Cela a duré longtemps, trop longtemps. Enfin la droite s’est ravisée et, sous des influences diverses, dont les principales sont venues des leçons mêmes que les événemens lui ont données, elle est revenue à d’autres sentimens, elle a adopté une autre tactique. L’intérêt du pays a pris une place plus importante dans ses préoccupations ; les intérêts de parti sont passés au second rang. Qu’il y ait eu, dans les motifs qui l’ont déterminée, un peu de lassitude, du découragement, un de ces retours au simple bon sens qui accompagnent quelquefois les désillusions, rien n’est plus certain ; mais il y a eu encore autre chose. Le parti socialiste, qui existait à peine il y a quelques années, est devenu un des facteurs les plus actifs de la politique actuelle. Il occupe la première place dans l’opposition, et il aspire à s’emparer de la place tout entière, ce à quoi il arrivera sans doute par la disparition de plus en plus complète du parti radical. Dans peu d’années, si l’évolution politique poursuit sa marche actuelle, il n’y aura plus de radicaux à gauche, mais seulement des socialistes. L’histoire du ministère Bourgeois, ministère radical qui n’a pu vivre six mois qu’avec et par les socialistes, a été une première démonstration de cette vérité, destinée à en recevoir d’autres. En présence d’une situation aussi nouvelle, l’attitude du parti républicain modéré ne pouvait pas faire de doute. La concentration avec les radicaux, alliés des socialistes et déjà confondus avec eux, avait fait son temps. Il fallait y substituer une majorité de cohésion républicaine, capable de soutenir des ministères faits à son image. Mais que ferait la droite ? Ce n’était pas à nous à le dire, c’était à elle. La droite a jugé plus patriotique, tout en conservant son indépendance, de voter avec le gouvernement plus souvent qu’avec l’opposition. Elle était libre de le faire, de même qu’elle reste libre de cesser de le faire, si elle le juge à propos, car il n’y a eu ni contrat, ni alliance, ni engagement réciproques. Mise en face d’un danger social immédiat, la droite a songé tout d’abord à y parer. Le ministère en profite, soit ; mais quel reproche peut-on lui faire de ce chef ? Qu’a-t-il sacrifié ? Qu’a-t-il compromis ? Si on avait un fait quelconque, dont on pût tirer un grief contre lui, certainement l’opposition, qui cherche et furette dans tous les coins avec une obstination rageuse, l’aurait trouvé et en aurait fait grand tapage à la tribune. Mais elle n’a rien découvert. Elle