Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 141.djvu/94

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

il serait le bienvenu » ; ce sont là des assurances qu’il ne faut pas prendre à la lettre, puisque depuis quelque temps déjà, il se mêle de politique. Les quelques mots qu’il ajoute, en passant et comme sans y prendre garde, sur la situation de l’Europe, sur le siège de Bréda, mené par le marquis Spinola avec une telle opiniâtreté « qu’il n’y a force qui puisse secourir la ville, tant elle est bien assiégée », — et l’événement allait bientôt lui donner raison, — tout cela est bien placé pour être redit, pour montrer l’inutilité qu’il y aurait de la part de la France à secourir les révoltés de Hollande et l’intérêt supérieur qu’elle trouverait, au contraire, à s’allier avec le roi d’Espagne. Rubens prépare à l’avance son terrain, et sous le couvert de ces peintures dont il semble s’occuper exclusivement, il va pouvoir à son aise dresser ses batteries, nouer des relations et s’entremettre activement dans les négociations auxquelles depuis quelque temps déjà il est mêlé.

Dès le 30 septembre 1623, l’infante Isabelle, « en considération de son mérite et de ses services qu’il a déjà rendus au roi », avait fait à Rubens, sur la citadelle d’Anvers, une pension de 10 thalers par mois, pension que plus tard Philippe IV devait porter à 40 thalers. Ces « services rendus » au roi remontaient déjà à quelques années. De la date même où Isabelle les récompensait, les archives royales de Bruxelles possèdent une lettre de Rubens adressée au chancelier Pecquius, au sujet de pourparlers officieux, relatifs au renouvellement de la trêve entre l’Espagne et les Pays-Bas, pourparlers entamés par l’entremise d’un personnage désigné sous le nom du Cattolico et qui en réalité était un certain Jean Brandt, le propre neveu du beau-père de Rubens. En ces temps troublés, à côté des agens attitrés, chargés de la politique courante, bien des agens officieux proposaient ainsi leurs services : les uns spontanément, par désir de s’employer pour le bien public ; d’autres par intérêt et pour tirer un profit direct de leur intervention. Les souverains eux-mêmes, du reste, trouvaient expédient de recourir à ces intermédiaires qui leur permettaient, sans craindre de se compromettre, d’essayer des combinaisons dont ils étaient toujours à même de décliner la responsabilité. Plusieurs de ces agens, il est vrai, avaient été dans les derniers temps pris et même assez violemment molestés, sans qu’il fût possible d’agir directement en leur faveur. C’est ainsi que cette année même (1624), pour avoir voulu s’interposer entre les Espagnols