Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 141.djvu/805

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Tandis que les retardataires s’obstinent à rester tournés vers le coin du ciel où le soleil couchant disparaît, elle montre aux jeunes générations les premières lueurs de l’aurore qui va éclairer le monde. Cette clairvoyance inspirée a fait échapper l’Église aux naufrages qui ont emporté tant de gouvernemens et de sociétés. Tout s’est effondré autour d’elle ; seule, elle est restée debout, prête à venir prendre sa place dans les demeures nouvelles élevées sur les décombres du passé. Les mécontens l’accusent d’ingratitude et les railleurs d’ambition. Ingrate, elle le serait si elle avait été mise au service des rois. Son devoir alors serait de prendre avec eux le chemin de l’exil ou de monter la garde à la porte de leurs palais déserts. Instituée pour le bien des hommes, elle doit rester au milieu d’eux, partout où est la lutte, partout où est la vie. Ambitieuse, elle l’est et le doit être, pourvu que son ambition ait pour objet, non la domination politique, mais la puissance morale qui conquiert les intelligences par la persuasion.

À cette conquête, le chef de l’Eglise immole tout : sentimens personnels, préférences intimes, traditions, souvenirs, intérêts politiques. Il n’a été élevé si haut au-dessus des dynasties et des partis que pour trouver, dans la grandeur de sa mission, la force de tous les sacrifices. Léon XIII, en se décidant à écrire ses Encycliques, n’a pas plus fait de politique que Pie VII en signant le Concordat ; ou s’il en a fait, c’est que la vie religieuse et la vie politique d’un peuple sont unies par trop de liens pour être jamais complètement séparées.

Que de maux eussent été évités, si Léon XIII, comme il le voulait, eût pris cette initiative dès le début de son pontificat ! Les illusions des partis y mirent obstacle, comme elles le firent encore à l’approche des élections de 1885. Les deux cents conservateurs que celles-ci firent entrer à la Chambre en ont-ils été plus forts ? — Jamais opposition n’a été plus nombreuse ni mieux intentionnée ; jamais aucune n’a été plus inutile. Elle a essayé de tout et a échoué à tout. La concentration s’est faite contre elle au cri de : « La droite, c’est l’ennemi ! » et de la concentration sont sorties la loi sur la laïcité du personnel scolaire, la loi d’exil et la loi militaire. Quels trophées !

La résistance aux conseils du Vatican portera-t-elle de meilleurs fruits ? Si l’accord voulu par lui s’était réalisé, la revanche ne serait-elle pas plus proche qu’elle ne paraît l’être ? Est-il