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arriver d’ici au mois d’avril. Beaucoup de travaux sont entrepris par nous : les laissera-t-on imparfaits? Je pense toujours de même là-dessus. Céder au désir de rentrer au pays natal, et d’aller vous voir à Paris serait faiblesse d’enfant. Je désire rester ; non pas pour être à Modon, mais pour aller à Athènes. Je crois, — sans connaître aussi bien que tu es à même de le faire la politique de la France, — qu’on ne nous y enverra pas, quoique peut-être on en eût envie. A part l’importance de la chose pour les Grecs, auxquels il faut une surface territoriale qui les rende respectables, je le désire pour notre division. Ce serait une chance, peut-être, pour tirer de la boue, où on la traîne notre piteuse expédition. Car il paraît que vous nous traitez assez mal là-bas, et que notre passage ne sera guère ombragé d’arcs de triomphe. Je suis de trop bonne foi pour vouloir donner à cette campagne un relief et un caractère qu’elle est loin d’avoir; mais je t’avoue qu’il me peine de savoir qu’on va trop loin ; et tu me pardonneras bien en te rappelant que j’ai vu mourir sous mes yeux, et dans un pitoyable état, plus de cent pauvres diables, et trois de mes camarades d’école. Je sais bien que l’on ne tient pas compte de cela à une armée, et que les pertes en malades veulent être doublées à coups de canon pour devenir présentables ; mais toujours sera-ce pour moi une bonne raison pour m’empêcher de trouver le mot pour rire dans tout cela...

Adieu, mon cher Godefroy, je t’embrasse bien tendrement.


Eugène Cavaignac à sa mère.


Modon, 22 mars 1829.


Ma très chère mère,

En dépit de tous mes beaux raisonnemens et de toutes mes prévisions, me voilà désigné pour rentrer en France... Je crois que nous nous embarquons vers les premiers jours d’avril... Il reste 5 000 hommes sous les ordres du général Schneider...

Adieu, je t’embrasse bien tendrement et me fais une. joie de vous revoir tous. Nous allons, ou mieux, je vais bien bavarder...


Eugène Cavaignac à sa mère.


Modon, 30 mars 1829.


Ma très chère mère,

Je t’ai écrit, il y a une quinzaine de jours, pour t’annoncer mon retour prochain en France ; je ne te fixais pas l’époque, parce