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ordinaires ; que là-dessus ayant voulu expliquer à Sa Majesté quelles étaient ces formes, elle l’avait interrompu en lui disant qu’elle les savait fort bien, mais que pour ce coup elle n’était pas encore bien déterminée et qu’elle ferait savoir ses intentions à l’Académie[1]. »

Évidemment le roi était peu satisfait qu’on n’eût pas choisi Boileau : c’était lui qui l’avait décidé à se laisser mettre sur les rangs en lui disant : « Il faut que vous soyez de l’Académie ». Il est pourtant probable qu’il aurait pris son parti de l’échec de son candidat, s’il n’avait pas cru que c’était l’effet d’une cabale. Il pouvait penser que tout ce qui restait de l’ancienne école avait manœuvré pour exclure Boileau ; il ne voulait pas que l’Académie devînt une coterie étroite qui ne s’ouvrît qu’aux gens d’un certain parti, et en cela il avait bien raison. Du reste, il faisait grand cas de La Fontaine, et ce qui prouve qu’il n’avait aucun mauvais vouloir contre lui, c’est ce qui se passa six mois plus tard. Une place étant alors devenue vacante, l’Académie s’empressa d’y nommer Boileau. Quand le directeur vint l’annoncer au roi, il répondit « que le choix lui était très agréable et qu’il serait généralement approuvé, » puis il ajouta : « Maintenant vous pouvez recevoir La Fontaine. »

On voit à quel point le roi avait pris son rôle au sérieux. Il se tenait au courant de tout ce qui se passait à l’Académie ; il voulait que le règlement y fût respecté, il trouvait moyen de savoir si l’on avait été en nombre dans une élection, et si tout s’était passé dans l’ordre. Il répétait sans cesse qu’on ne devait avoir égard qu’au mérite et ne céder à aucune sollicitation de quelque côté qu’elle vînt. « L’Académie, disait-il, choisira toujours de meilleurs sujets d’elle-même qu’elle n’en prendra à la prière et à la recommandation. » Il exigeait qu’elle fût respectée et regardait comme une sorte d’insulte personnelle les outrages qu’on lui faisait. Quand M. de Lamoignon commit l’impertinence de refuser un siège qu’on lui avait donné, il lui fit adresser une lettre très sèche, et, pour que la réputation de la compagnie n’eût pas à en souffrir, il voulut que le cardinal de Bohan sollicitât la place que le premier président avait dédaignée. Il veillait aussi à son bien-être et c’est lui qui lui procura le premier un établissement fixe. Richelieu y avait songé, mais il n’eut pas le temps

  1. Registres, 15 nov. 1683.