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nous reste à passer ici. Ce qui paraît certain, c’est que le mouvement de retour est suspendu, s’il n’est ajourné indéfiniment. On conçoit en effet que la non-acceptation du traité et le désir exprimé par les Chambres de voir la Grèce réellement délivrée et rendue à ses limites naturelles ont pu faire suspendre notre départ pour prendre un parti définitif. Je désire de tout mon cœur que l’on se décide à faire évacuer l’Attique et la Livadie. Je désire surtout que nous y trouvions résistance... Mais tout cela est bien douteux. C’est comme l’expédition d’Alger; il faudra bien cependant que cette affaire se finisse d’une manière ou d’une autre. On a parlé ici, pendant quelque temps, d’y aller comme d’une chose non décidée, mais qui pourrait bien arriver. Le discours du Roi paraît avoir donné du poids à cette opinion. Que le Ciel nous préserve d’y aller, si nous devons encore produire tant d’effet, par notre seule présence. Je pense toujours à ce Gargantua qui fait tant peur aux petits enfans et qui jamais, cependant, n’a eu besoin d’en croquer un seul pour établir sa terrible réputation.

Fabvier est arrivé en Morée à la fin de décembre dernier. Je ne l’ai pas vu. On parle de son retour ici, le Président et lui n’ayant pu s’accorder. S’il revient à Modon, je le verrai sans doute.

Adieu, mon cher père, je t’embrasse de tout mon cœur.


Eugène Cavaignac à son frère.


Modon, 9 mars 1829.

Me voilà en belle humeur, mon cher Godefroy : je tiens... une lettre de chacun de vous... Tu as, sans doute, à l’heure actuelle vu le général Sébastiani (Tiburce). Tu peux sans crainte le remercier pour moi, car il n’est sorte de politesses que je n’en aie reçues pendant le peu de temps que j’ai été auprès de sa personne. Tu me dis que tu montres mes lettres à son frère et qu’il les trouve bien : voilà plus qu’il n’en faut pour satisfaire un apprenti de ma force. Je suis bien aise, au reste, de n’avoir écrit que pour vous autres, car, si j’avais voulu faire de l’esprit, bien certainement j’y aurais mal réussi.

Je vois que nous pensons exactement de même, et cela me fortifie dans ma manière de voir. Depuis ma dernière lettre, Miaulis est arrivé ici, envoyé du gouvernement grec, pour complimenter le général en chef. Les journaux te donneront les lettres, discours, réponses et cætera, mais ils ne te montreront