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heureuse préparation ; mais sa mère était saine et intelligente. Nommé en 1859 commissaire des finances, il s’acquitta convenablement de son emploi sept années durant. En 1866, il lui vint une idée singulière : il acheta un jour tous les oiseaux vivans qui étaient à vendre dans le pays de Busolengo, et il leur rendit leur liberté, pensant travailler ainsi au bien public. Dès lors il employa ses loisirs à publier des opuscules sur la régénération de l’esprit humain. Il y posait en principe que tout va de mal en pis, que non seulement nous souffrons de la maladie des raisins, des vers à soie et des écrevisses, que nous sommes atteints de la funeste manie de la procréation, que tout cela doit provenir des dégâts produits dans le globe par les déboisemens, par le massacre des oiseaux, par le tourment que cause à la terre la circulation des locomotives. Il n’y a pas d’exemple, selon M. Lombroso, « qui atteste mieux l’existence d’une vie psychique très active, très puissante et en même temps malade en un point donné et en un seul point. » Bosisio est pour lui la preuve vivante « que la folie est un levain pour les forces intellectuelles, qu’elle excite les fonctions psychiques presque à l’égal du génie. » Si l’éducation de ce libérateur des oiseaux avait été moins négligée, il serait devenu quelqu’un. « Faites-le vivre dans un siècle propice, et l’Italie aurait eu en Bosisio son Mahomet. » Vous ne vous attendiez pas à cette conclusion ; avec M. Lombroso, il faut s’attendre à tout.

Il est des caractères généraux qui attestent clairement que l’homme de génie est un dégénéré, qu’ainsi que les enfans des ivrognes, des syphilitiques, des sourds, des poitrinaires, des névropathiques, il est une victime de l’hérédité. Quoique certains hommes de génie aient été des géans, ils sont pour la plupart petits et chétifs ; beaucoup furent rachitiques, bossus, boiteux, pieds bots. La plupart sont maigres. Lecamus a dit que les plus grands esprits ont les corps les plus grêles, et M. Lombroso nous assure que, comme Socrate en son temps, comme Ibsen, comme Tolstoï, l’un de nos plus célèbres dramaturges « a l’aspect d’un crétin » ; je ne m’en étais jamais douté. Il nous apprend aussi que le crâne du physicien Nobili est oxycéphalique, nanocéphale et trococéphalique avec une énorme sclérose, et que Volta avait les apophyses styloïdes très saillantes, signe qui n’appartient qu’aux races inférieures.

Comme Alcibiade, Démosthène, Virgile et Charles-Quint, nombre d’hommes de génie furent bègues, et plusieurs ont été gauchers, caractère atavistique de grande conséquence. Ils sont le plus souvent stériles ; beaucoup furent célibataires ; ceux qui se marient ont peu