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quel voile grisâtre, éternellement tendu, quel jaune brouillard qui ternit la splendeur des roses et qui attriste le sourire des femmes. Quand la beauté leur apparaît, cette beauté dont ils se proclament les prêtres, c’est presque toujours déjà fanée et flétrie, avec des imperfections si blessantes ou des raffinemens si pervers qu’elle ne mérite plus guère ce nom, ayant perdu, entre leurs mains maladroites ou fébriles, toute la grâce, douce ou superbe, qui lui assure, dans la vie, la séduction pour les yeux et la domination sur les cœurs. La jeunesse, pourtant, semblait sourire dans les sujets choisis. « Les Noces de Flore », chuchote M. Lavalley, « Poésie », nous dit M. Surand, « le Printemps », murmure M. Franck-Lamy, « Songe d’une nuit d’été », nous assure M. Gervais, et ainsi de suite. Nous ne parlons là que des bonnes œuvres, de celles qui indiquent une certaine maturité de science, de la réflexion et du progrès. Toutes d’abord sont trop grandes, soit parce que les figures, trop rares ou mal groupées, ne les remplissent pas, soit parce que la force ou l’éclat de la peinture ne correspond pas à la grandeur du cadre, et c’est déjà une impression fâcheuse. Les Noces de Flore, de M. Lavalley, sont d’assez tristes noces, tristes par la mélancolie terne du jour incertain autant que par la langueur anémiée des nudités flottantes. C’est dans le halo spectral d’une projection électrique que le Zéphyr ailé, souffle du printemps, descend d’en haut, offrant sa main à Vénus qui va l’unir à celle de la déesse des fleurs. Mariage aux lanternes, ou, tout au moins, mariage au théâtre, sous des lueurs artificielles qui décomposent formes et couleurs. Les fleurs en sont toutes jaunies, et les carnations transpercées. Quant au vieux soleil, démodé et méprisé, on le met au rancart, parmi les accessoires. Cette contradiction foncière entre l’annonce faite et le spectacle donné, cette inconsistance surtout, terne et confuse, des figures presque insaisissables dans une agitation d’accessoires non moins confus laissent à peine constater ce que l’artiste a réuni là d’études sérieuses et de recherches délicates, tout ce qu’il a perdu là d’effort et de talent.

Dans la Poésie au clair de lune, par M. Surand, la plastique est plus accentuée, plus banale aussi et plus scolaire, sans aucune de ces nuances personnelles qu’on estime chez M. Lavalley. Un jeune étudiant, un poète, un symboliste sans doute, le col engoncé dans une lourde cravate noire, est assis sous un arbre, la nuit, près d’un fleuve. Il rêve. Que rêve-t-il en ce bel âge ? Des anges, comme Vigny ? Des muses, comme Ronsard ? Des orientales, comme