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M. Busson, d’une maîtrise moins hardie, mais d’une sincérité de plus en plus affinée, repose la vue par un jeu bien délicat de lueurs et de demi-lueurs ; et si le Chemin du Bourg, de M. Camille Bernier, et la Lisière de forêt, par M. Emile Michel, ne s’enveloppent pas d’une si molle caresse de lumière, on y sent, toujours, cependant, la main de maîtres expérimentés, l’un plus familier, l’autre plus énergique, dans la décision et le soin avec lesquels l’armature et la parure des grands arbres, qu’ils connaissent si bien et qu’ils aiment tant, sont présentés et exécutés. L’attitude des géans végétaux qui défendent la Lisière de forêt a même un caractère de majesté héroïque dans un style résolu, quoiqu’un peu détaillé, qui rappelle la grande manière de Paul Huet.

Bien que M. Zuber soit d’une autre génération, il a tant de rapports, et de si excellens, avec tous ces maîtres, qu’on peut le ranger parmi eux. Chez lui, même admiration silencieuse et discrète des grands et beaux spectacles de la nature, même désir de raconter ses joies intimes et profondes avec une fidélité émue, même science et même expérience pour le faire. Ses deux paysages, la Journée orageuse aux environs de Fontainebleau et le Lever de l’une au cap d’Antibes, sont tous deux de la plus belle venue. Dans l’un, l’angoisse muette et poignante de la terre écrasée de chaleur sous la menace mouvante des grands nuages prêts à éclater, dans l’autre la quiétude doucement mélancolique des grands oliviers caressés de lueurs pilles, sont rendues avec une touchante sincérité. Aucun cri, aucun éclat dans ces poèmes de la campagne ; tout y est dit pourtant, et bien dit, dans un langage serré, savamment sobre et délicieusement choisi, où le mot, c’est-à-dire la touche, est toujours juste et toujours à sa place.

M. Jules Breton, l’un de ceux qui inaugurèrent le plus brillamment le Palais de l’Industrie en 1857 et 1859, est aussi l’un de ceux qui auront jeté le plus d’éclat sur sa clôture. Entre la Bénédiction des blés et le Rappel des glaneurs (Musée du Luxembourg) et la Cueillette des olives, le talent de l’artiste s’est modifié, varié, assoupli ; il n’a point diminué. Au point de vue de l’expression pittoresque par le jeu des couleurs et des lumières, la Cueillette des olives témoigne même d’une expérience plus consommée, d’une observation plus délicate, d’une légèreté de main plus sûre d’elle-même. Au point de vue du caractère rustique, le sentiment est peut-être même plus libre et plus simple, et l’on n’éprouve aucun doute sur l’exactitude des mouvemens et des