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ou grands, qui sont sortis de son atelier, et cet amour soutenu et scrupuleux de son art lui a épargné tous les affaiblissemens qui résultent parfois d’une longue pratique. Sa Vierge au chasseur et son Portrait de Mme Hébert n’occuperont pas, dans la longue série de ses œuvres, la moins bonne place. Le portrait sera même, peut-être, considéré un jour comme un de ses chefs-d’œuvre. De fait, M. Hébert n’a jamais apporté, dans la restitution fidèle d’une image aimée, un accent à la fois plus ferme et plus ému, une aisance plus savante et plus séduisante de coloriste et d’harmoniste. La figure, de dimensions réduites, vue jusqu’aux genoux, s’enlève sur un de ces fonds de verdure ensoleillée chers à l’artiste. Debout, de face, tête nue, avec des cheveux très blonds et des regards très bleus, elle tient dans les mains un petit chien à poils roux. La précision souple et vivante de toutes les formes, le jeu naturel et savant des colorations savoureuses, des pénombres exquises, et des taches lumineuses, font de cette petite toile, si bien remplie, un régal pour les yeux.

Il n’y a guère moins de charme extérieur dans la Vierge au chasseur dont l’orchestration colorée est une des plus doucement chaleureuses qu’ait conduites ce savant pinceau ; les personnages seulement nous en sont trop connus pour que nous éprouvions, à leur rencontre, le même sentiment vif et profond. Ce n’est pas que nous songions un instant à reprocher à M. Hébert, non plus qu’à aucun artiste, de s’attacher, pour le perfectionner, à la reproduction d’un type choisi. Lui faire, à lui et à ses contemporains, ce sot procès, ce serait le faire à tous les maîtres du passé, à Rubens comme à Léonard, à Watteau comme à Corrège, à Prudhon comme à Michel-Ange. Nous ne nous étonnons donc point de retrouver, sous les traits de la Madone, la noble dame aux traits réguliers, costumée à l’orientale, et, sous ceux du petit Jésus, le blondin délicat et frisé, dont raffole également notre religiosité mondaine. Le sujet même ne nous blesse point, comme il a fait certaines piétés austères. Un jeune tireur d’arc, un gars d’Italie, brun et bouclé, un saint Jean, si vous voulez, vient de tuer un oiseau et l’offre à l’Enfant Jésus ; le Bambino se détourne avec un petit mouvement d’effroi ; n’est-ce pas une de ces scènes enfantines auxquelles se plaisaient les bons imagiers ou enlumineurs du moyen âge ? On peut seulement regretter que la littérature, trahissant encore cette fois l’artiste, lui ait fait joindre à sa bonne peinture une citation sentimentale qui en