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Seulement, c’est le couvent sans Dieu, c’est le couvent rouge ! Comment favorise-t-on aussi peu une pareille maison, et n’a-t-on même pas toujours trente places à lui donner, sur soixante dont on dispose ? Où Paris prend-il donc ses institutrices, et comment les lui faut-il ?

Le type de l’institutrice communale, tel qu’il sort des quatre-vingts ou quatre-vingt-cinq écoles normales de France, n’existe pas à proprement parler, et il ne se trouve, on le devine, que fort peu de rapports, entre l’élève des Batignolles et celle de Cap ou de Quimper. L’institutrice de Paris est généralement la fille de petits employés et de petits entrepreneurs. Ses parens sont petits marchands, petits comptables, petits professeurs, petits agens de l’Etat, ouvriers, revendeurs, cultivateurs de banlieue, demi-artistes, artistes de quartier. Les familles d’employés d’assurances donnent beaucoup à la profession. Cette origine, combinée avec les influences du métier, l’esprit administratif, et l’espèce d’athéisme de ménage que cette institutrice a d’abord respiré chez elle, pour s’assimiler ensuite celui de l’Etat, indiquent à peu près ce qu’elle est, ou doit être le plus souvent. C’est une fille ou une femme généralement obligée de plaire aux énergumènes et aux gens sans moralité, quoique forcée elle-même d’être honnête, tout en ne pouvant avoir qu’une moralité sans base. Il lui serait impossible de diriger son école, si elle pratiquait, pour son compte propre, les principes de négation et de subversion qu’elle doit paraître approuver, et elle ne pourrait pas, d’autre part, occuper sa place, si elle ne flattait pas les meneurs et les sectaires qui la nomment ou la font nommer. Il en résulte, sauf exception, une révolutionnaire de tenue correcte, une femme plus instruite qu’une bourgeoise, tout en restant une sorte d’ouvrière, et dépendant souvent de ce qu’il y a de pis, tout en devant avoir l’air de ce qu’il y a de mieux, quelquefois même en l’étant peut-être. Avec les institutrices de province, autres figures, et qui vont encore varier entre elles, selon l’espèce de province. L’institutrice de la grande ville régionale ressemblera d’ordinaire à celle de Paris, mais les institutrices de sous-préfecture et de chef-lieu de canton en différeront du tout au tout, et il faudra même distinguer entre ville et ville, canton et canton, village et village. Dans beaucoup de petites villes, et la plupart des campagnes, l’institutrice va à la messe le dimanche, et ne pourrait pas ne pas y aller. Elle y va sans zèle, et y affecte même de la froideur, pour ne pas déplaire au gouvernement, mais elle y va, pour ne pas non plus déplaire au pays. Et il faut