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subir aux concurrentes. On en passe à l’Hôtel de Ville, à l’ancienne caserne Lobau, dans les mairies, dans les écoles, dans l’Orangerie des Tuileries. On finit même, à certains momens, par en passer dans des baraques. On en passerait, pour un peu, dans les abattoirs et sous les ponts ! C’est la folie de l’examen, la foire aux certificats et aux brevets. On n’imagine plus partout, dans des salles et sous des hangars, que des jeunes filles portant des cartables, fiévreuses, discutant, guettant leur tour, ou attendant, tout anxieuses, les décisions des examinateurs.

Si bigarrée qu’elle soit, toute cette population féminine et enseignante peut se ramener, cependant, à trois grandes catégories : les « professeurs », qui ont subi les examens les plus difficiles ; les « institutrices publiques » des nombreuses écoles communales, des villes et de l’Etat ; et la classe, plus mêlée encore que toutes les autres, des institutrices particulières. On fait aussi assez vite quelques remarques intéressantes en feuilletant les États de situation publiés par le ministère, et ces États vous ouvrent par leurs chiffres une première perspective assez inattendue : c’est que les institutrices officielles des écoles de la République n’ont même pas toutes leur brevet simple. Dans le résumé de 1896, au tableau n° 14, relatif aux « titres de capacités du personnel enseignant », on compte 2 734 femmes ou jeunes filles « non brevetées », tant parmi les directrices que les adjointes, stagiaires ou titulaires des écoles publiques. Voilà déjà bien des institutrices qui le sont officiellement, quoique sans titre, dans l’Etat même, et sous le drapeau national, quand les titres passent pour courir les rues, et ne plus même valoir leur vélin ! Serait-ce que la loi n’exige aucun brevet pour l’institutrice primaire, stagiaire ou titulaire ? Non, puisque l’institutrice stagiaire, réglementairement, doit être au moins pourvue du brevet simple, et que la titulaire, en outre, doit y joindre le certificat d’aptitude pédagogique. Serait-ce, alors, que la loi est récente, et ne peut encore être appliquée ? Elle est déjà vieille de bientôt vingt ans ! Serait-ce donc, contrairement à ce qu’on raconte, qu’il y aurait, en réalité, sur le marché scolaire, moins de brevets obtenus que de places à donner ? Non plus, car les mêmes États de situation accusent, depuis environ dix ans, une moyenne de dix mille brevets élémentaires, et deux mille brevets supérieurs, obtenus chaque année par les jeunes filles, c’est-à-dire, à l’heure qu’il est, une circulation approximative et minima de cent à cent dix