Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 141.djvu/604

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par le flot de l’invasion sikèle, ils se seraient concentrés dans la partie occidentale de l’île. Ils n’ont jamais formé un corps de nation ; ils vivaient par petits groupes, dans des villages posés sur le sommet de quelque hauteur isolée, d’un difficile accès. On a le nom d’un certain nombre de ces bourgs ; ils paraissent avoir été situés, pour la plupart, dans le territoire qui appartint plus tard à Agrigente ou vers l’ouest de ce district, dans le voisinage de Sélinonte. Les Sicanes, qui avaient encore, au temps de Thucydide, une existence séparée, se sont, au cours des deux ou trois siècles suivans, évanouis de l’histoire sans y laisser autre chose qu’un terme géographique qui rendait, à l’occasion, service aux poètes. Ceux-ci appelaient la Sicile Sicania, quand le mot Sicilia n’entrait pas dans la mesure de leurs vers.

Les Sikèles ont eu l’honneur de donner à l’île le nom qu’elle porte encore aujourd’hui ; ils ont eu un rôle moins effacé que les Sicanes. Thucydide croyait savoir qu’ils étaient entrés en Sicile environ trois siècles avant qu’y débarquassent en 735 les premiers colons grecs ; mais d’autres historiens assignaient à cette migration une date plus reculée. Selon Hellanicos et le Syracusain Philistor, elle aurait eu lieu deux ou trois générations avant la guerre de Troie. Ces données chronologiques n’ont qu’une faible valeur ; tout ce qui en ressort, c’est que les Sikèles n’ont franchi le détroit que longtemps après les Sicanes. D’où venaient-ils ? Sur ce point encore, pas de doute possible. C’était de l’Italie ; ils fuyaient, dit Thucydide, devant les Opiques. Il est inutile de chercher à savoir dans quelles circonstances se produisirent, entre les tribus italiotes, les conflits qui eurent ces conséquences ; ce qui importe, c’est ce qu’ajoute aussitôt l’historien, qu’il y avait encore, de son temps, des Sikèles en Italie, ce qui nous est attesté, d’ailleurs, par d’autres témoignages, dont l’autorité est d’autant plus grande qu’ils émanent d’écrivains dans lesquels on ne saurait voir des copistes de Thucydide. Plusieurs auteurs grecs et romains font allusion à cette persistance de l’élément sikèle sur le sol de l’Italie. Ces derniers nous montrent même, établis dans la vallée du Tibre, des Sicules, comme ils disent, auxquels ils font jouer un rôle dans l’histoire du Latium primitif. Il paraît donc certain que les Sikèles, comme toutes les autres tribus qui ont peuplé l’Italie, sont de race aryenne, et l’on est fondé à les croire très étroitement apparentés aux Latins. Nombreux sont les indices qui donnent à cette conjecture un haut degré de vraisemblance.