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rites funéraires et aux soucis dont ils témoignent, grâce aux images tracées sur l’ivoire, sur l’or et sur la pierre, on réussit même à atteindre, par endroits, jusqu’à l’âme de ces hommes et à saisir quelques-unes de leurs pensées ; on devine comment ils concevaient l’existence de leurs morts dans ces caveaux où ils les enfermaient avec leurs vêtemens d’apparat, leurs bijoux et leurs armes ; on croit reconnaître sur les intailles les simulacres de leurs dieux et la figuration des cérémonies de leur culte.

Ces fouilles et les inductions que la critique en a tirées ont permis à l’historien de remonter bien au-delà des bornes que, jusqu’à présent, il n’avait guère essayé de franchir. Il s’arrêtait à l’épopée ; il s’appliquait à décrire, d’après elle et sur son unique témoignage, l’état de la société où elle était née et dont, comme un fidèle miroir, elle devait réfléchir la physionomie et le mouvement. Plus loin, il ne discernait rien ; c’était à peine si la mythologie et la linguistique comparatives jetaient sur cet obscur passé quelques lueurs fugitives et souvent trompeuses. Aujourd’hui il se trouve, devant ce problème, dans une tout autre situation. Rayon après rayon est venu percer les ombres qui s’épaississaient derrière la limite qu’il n’osait point dépasser, et sa vue a commencé de porter jusque dans des profondeurs où, peu à peu, à mesure qu’elle s’accoutume à ce demi-jour, elle distingue sinon les individus, qui lui échapperont à tout jamais, tout au moins les grandes masses, des groupes nettement caractérisés.

Plus on étudie l’Illiade et l’Odyssée à la lumière des découvertes récentes, et plus on reconnaît qu’elles renferment, à côté de traits qui trahissent une époque relativement avancée, tout un fonds de données beaucoup plus anciennes, où l’on n’hésite pas à reconnaître la marque des habitudes et des pratiques de l’âge mycénien. Ainsi remise au point, l’épopée nous aide à évoquer et à faire revivre, avec sa physionomie propre et son caractère original, cette Grèce mycénienne que, sans le secours de la poésie homérique, nous ne connaîtrions que par son œuvre industrielle et plastique. En même temps, l’étude des monumens qui remplissent une des salles du musée national d’Athènes est le meilleur commentaire de l’épopée ; elle nous révèle, dans bien des cas, le sens exact de termes que ne comprenaient déjà plus les critiques d’Alexandrie. Nous savons beaucoup mieux que ne pouvaient le faire Zénodote et Aristarque de quelles armes usaient Achille et Hector, comment étaient vêtues, parées et coiffées