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ne pas entrer dans les vues de la politique allemande. « Il me faut les séminaires, disait-il, parce que là est le point essentiel et vital pour l’Eglise et l’esprit du clergé. » L’année 1885 n’amènerait-elle pas quelque solution conforme aux désirs de rapprochement qui occupaient l’esprit du Souverain Pontife depuis sept années et dont la perspective avait paru plusieurs fois tenter le prince de Bismarck ? En réalité, depuis le retour de M. de Schlœzer à Rome, à la fin de septembre 1884, aucune nouvelle négociation n’avait été engagée en vue d’aplanir le différend que le ministre de Prusse estimait ne pouvoir cesser que par la renonciation pure et simple du cardinal Ledochowski à son siège archiépiscopal de Posen.

Du reste, et en attendant que des circonstances favorables permissent aux deux parties d’échanger encore une fois leurs vues sur les problèmes à résoudre, M. de Schlœzer entretenait avec la chancellerie des rapports excellens, mais en même temps il ne cachait pas qu’il considérait comme impossible d’amener le prince de Bismarck à prendre les engagemens qui lui étaient demandés. De son côté, le Pape paraissait très résolu à ne pas céder, jusqu’à ce qu’on lui eût accordé, pour la liberté de l’enseignement dans les séminaires en Prusse, un régime analogue à celui qui existe dans les autres pays presque sans exception. « Le prince de Bismarck, disait le Saint-Père, est très dur, très opiniâtre ; jusqu’à présent il n’a pas encore voulu reconnaître à quel point nos réclamations sont fondées, et que je ne pourrais y renoncer sans compromettre gravement la dignité et la sécurité de l’Eglise. Ce que je demande ne diffère en rien de ce qui existe ailleurs. Est-ce qu’aucun gouvernement a jamais songé en France à s’ingérer dans l’éducation du clergé ? En Autriche, en Espagne, en Bavière, il en est de même. En Angleterre, aux États-Unis, l’enseignement du clergé catholique n’est pas moins libre ; ce privilège a été reconnu par la Russie elle-même et figure dans les accords que j’avais conclus à la fin de 1882 avec le cabinet de Saint-Pétersbourg. Je suis donc persuadé que le prince de Bismarck devra finir par accepter des conditions qui s’imposent ; les circonstances nous viendront en aide ; un jour où le chancelier d’Allemagne sera mécontent de l’Italie, il se tournera de notre côté, et me fera les concessions que je suis en conscience obligé de réclamer. »

C’était avec beaucoup de calme et de sérénité que Léon XIII exposait ainsi, à la fin de janvier 1885, sa manière d’envisager