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aumônier, qui devait célébrer le mariage. « Avant la messe, raconte Madame dans une lettre à sa tante l’Electrice, on procéda aux fiançailles. Le Roi, Monseigneur, Monsieur et moi nous nous tenions debout autour des deux fiancés. Quand vint le moment de dire : Oui, la fiancée fit quatre révérences, et le fiancé deux seulement, car il ne demandoit le consentement que de M. son père et de M. son grand-père, tandis que la fiancée demandoit le consentement de Monsieur et le mien, comme grands-parens[1]. » Le cardinal de Coislin célébra ensuite une messe basse, les fiancés demeurant seuls à genoux auprès de l’autel. Le duc de Bourgogne mit une bague au doigt de la Princesse et lui fit présent de treize pièces d’or. La messe terminée, les deux époux, le Roi et les parens les plus proches signèrent sur le registre de la paroisse où l’acte de mariage figure encore aujourd’hui. Le cortège se reforma ensuite dans le même ordre, et vint s’asseoir autour d’une table en fer à cheval disposée dans l’antichambre de la duchesse de Bourgogne. Ne prirent place à cette table que les princes de la maison royale et tous les bâtards, y compris la duchesse de Verneuil (Charlotte Séguier), à laquelle on fit cet honneur comme veuve d’un bâtard d’Henri IV. On remarqua que, pendant le dîner, le duc de Bourgogne regardait tendrement sa femme : « Je vois mon frère qui lorgne sa petite femme, disoit le duc de Berry à Madame, à côté de laquelle il étoit assis ; mais si je voullois, je lorgnerois bien aussi, car il y a longtemps que je says lorgner : il faut regarder fixe et de costé. » Et en même temps il contrefaisoit si drôlement son frère que je ne pus m’empêcher de rire[2]. »

Durant l’après-dînée, chacun eut la permission de se retirer pendant quelques heures. La duchesse de Bourgogne se reposa dans l’appartement de Mme de Maintenon, et quitta même pour quelque temps son pesant habit. Mais, à sept heures, il fallut se réunir de nouveau pour assister, des fenêtres de la grande galerie, à un feu d’artifice qui fut tiré devant la pièce d’eau des Suisses. La Cour passa ensuite dans la chambre de la duchesse de Bourgogne où l’on avait tendu quelques jours auparavant un magnifique lit de velours vert brodé d’or et d’argent. On admira fort la courtepointe du lit, ainsi que la toilette de la duchesse de Bourgogne, tant pour les pièces d’orfèvrerie que pour la broderie. Dans

  1. Correspondance de Madame, duchesse d’Orléans. Traduction Jaeglé, t. I, p. 162.
  2. Ibid., p. 163.