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inconvéniens du mariage, sur le danger des occasions, ou celui des mauvaises compagnies. Mais elles étaient aussi composées par les dames en vue de certaines circonstances spéciales. Ce dut être une de celles-là qui fut représentée devant la Princesse, car cette conversation contenait des allusions à sa visite et était « assaisonnée de louanges délicates[1]. » La Princesse revint à Versailles enchantée de cette première visite où, sans le dire, elle s’était peut-être plus divertie que durant ses promenades dans la crotte avec le Roi. « Elle fut ravie, disent les Mémoires de Sourches, de voir toutes les petites filles à l’église et dans leur récréation. En revenant de là elle vint trouver le Roi qui travailloit dans l’appartement de la marquise de Maintenon, et Sa Majesté fut très contente de la vivacité de ses réponses et des manières respectueuses avec lesquelles elle savoit allier son enjouement[2]. »

A partir de cette première visite, la Princesse devint en quelque sorte une habituée de Saint-Cyr. Il n’y avait pas de semaine qu’elle n’y allât, et plutôt deux fois qu’une. Parfois elle s’y rendait l’après-midi en simple visite, et en revenait avec Mme de Maintenon. Parfois, au contraire, elle y allait dès le matin et partageait le repas des élèves : « Elle mangera au réfectoire à la table des rouges, écrivait Mme de Maintenon à Manceau, l’intendant de Saint-Cyr ; il lui faut un potage aux écrevisses, dans une écuelle d’argent (c’était un jour maigre) ; un pain tortillé comme elle en mange ; un morceau de pain bis de la Ménagerie ; du beurre battu frais, des œufs frais sur des assiettes, une sole dans un petit plat, de la gelée de groseille sur une assiette, des cornets, une carafe de vin, un pot de faïence plein d’eau et assez petit pour qu’elle se serve toute seule ; une porcelaine pour boire… Je mangerai au réfectoire des demoiselles, comme les rouges[3]. » Les jours où la Princesse venait ainsi à Saint-Cyr dès le matin, elle y passait la journée entière, et s’associait à la vie des demoiselles. Les Mémoires inédits des dames de Saint-Cyr contiennent plusieurs pages de détails à la fois naïfs et piquans sur les séjours de la Princesse à Saint-Cyr. Autant que possible nous les reproduirons textuellement[4] :

  1. Lavallée, Mme de Maintenon et la maison royale de Saint-Cyr, p. 223.
  2. Sourches, t. V, p. 219.
  3. Correspondance générale, t. IV, p. 159.
  4. Mémoires de ce qui s’est passé de plus remarquable depuis la fondation de la maison de Saint-Cyr. Nous devons à l’obligeance de M. le Supérieur du Grand Séminaire de Versailles d’avoir pu prendre connaissance de ces Mémoires qui sont à la bibliothèque du Grand Séminaire. De nombreux fragmens en ont été publiés, entre autres par MM. Lavallée et Geffroy. Mais, dans leur ensemble, ils sont encore inédits et contiennent beaucoup de choses intéressantes.