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profité pour invoquer sa médiation sur une apparence favorable ; mais le gouvernement a persisté dans son attitude. Dès que les préparatifs des Turcs ont été terminés sur tous les points et que l’assaut définitif a été livré, l’armée grecque a battu une seconde fois en retraite et s’est dirigée sur Domokos. Sans doute elle n’avait, cette fois encore, rien de mieux à faire. Mais puisqu’il devait en être ainsi et qu’on ne pouvait d’avance en douter, pourquoi avoir aggravé la première défaite par une seconde ? Pourquoi avoir reculé le moment où l’intervention de l’Europe devait inévitablement se produire et mettre un terme à cette inutile effusion de sang ?

Il semble que, depuis le commencement jusqu’à la fin de cette triste équipée, le gouvernement hellénique, harcelé par l’impérieuse volonté des ligues plus ou moins patriotiques qui s’étaient formées dans le pays, n’ait eu d’autre souci que d’éviter une révolution à Athènes. Nous souhaitons qu’il y réussisse jusqu’au bout. Ce n’est pas la chute d’un trône qui rétablirait en ce moment les affaires de la Grèce ; elle ne pourrait, au contraire, que les compromettre davantage. Mais, quels que soient les ménagemens dus au malheur, la vérité aussi a ses droits, et il faut bien dire que le roi Georges n’a rien tenté de ce qu’il fallait pour éviter les redoutables éventualités qui restent suspendues sur sa tête. On ne fait pas sa part à la révolution, et le meilleur moyen de la combattre n’a jamais été de lui céder tantôt sur un point, tantôt sur un autre, dans l’espoir qu’il suffirait de satisfaire à ses premières exigences pour réussir à la désarmer. C’est le parti de la révolution qui gouverne depuis quelques mois à Athènes. Il a voulu la guerre et a obhgé le roi à l’entreprendre : qui sait maintenant s’il l’excusera de l’avoir faite ? Il s’est opposé à la médiation au moment où elle aurait pu se produire avec le plus d’utUité et empêcher de nouveaux malheurs : qui sait s’il ne reprochera pas au roi de n’avoir pas recouru à temps à une ressource à laquelle il a bien fallu se résigner enfin ? Les conditions de la paix seront ce qu’elles pourront être ; évidemment, elles ne seront pas brillantes pour la Grèce ; néanmoins, le roi aura rendu un grand service à son pays en les acceptant : qui sait pourtant si on les lui pardonnera ? S’il y a dans les choses une justice, il y a souvent dans les hommes une injustice immanente qui les pousse à rejeter sur les autres la responsabilité des fautes qu’ils ont commises eux-mêmes. Les fautes personnelles du roi sont d’ailleurs très graves, et nous ne cherchons pas à les déguiser. Son devoir était de résister aux ligues révolutionnaires. Il aurait, dit-on, été renversé. Cela est, en effet, possible ; mais les événemens n’auraient pas tardé