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caractéristique a signalé de tout temps le costume des campagnards de la région. Au rebours des villageois du sud-ouest et d’une bonne partie du reste de la France, les paysans des deux sexes et leurs enfans, aux bords de la Durance, ont toujours porté des souliers.

Les jours fériés, nos bonnes gens s’habillaient de leur mieux avec les ajustemens conservés dans d’anciens bahuts, souvent curieux de style, et que les collectionneurs ont pourchassés. Presque tout le monde allait entendre la messe; les plus instruits se faisaient honneur de chanter au lutrin, bien moins faux qu’on ne pourrait le croire. Jusqu’à la fin du règne de Louis-Philippe, le prône se prêchait en provençal. Cet usage a disparu de bonne heure : d’abord parce que les desservans, nommés après la Restauration, plus familiers par leurs études avec la langue française qu’avec le patois populaire, éprouvaient une gêne réelle à traduire, dans ce dialecte, leurs idées en chaire, ensuite parce que les auditeurs, par amour-propre, préférèrent bientôt le pur français à ce langage un peu farci dont les expressions ne leur étaient guère moins étrangères que celles de l’idiome national. Il est à remarquer que, dans le Var, le sermon hebdomadaire en provençal s’est maintenu vingt ou vingt-cinq bonnes années de plus, et qu’actuellement les curés du département du Tarn prêchent encore en languedocien.

Quant aux modes de délassement pratiqués pendant les après-midi du dimanche, les uns ont disparu, d’autres se sont transformés, d’autres enfin persistent encore aujourd’hui ainsi qu’autrefois, comme le jeu de, boules si cher aux Méridionaux. Le goût des habitans de notre hameau pour la danse ne le cède en rien à celui de leurs aînés. Seulement la valse et le quadrille, scandés par les accords des cuivres, ont remplacé une sorte de menuet très peu varié qui entraînait les villageois au son du « tambourin » et du « galoubet ». Nous ajouterons que galoubet et tambourin[1] ne vibrent plus depuis bien longtemps dans les réjouissances provençales; les émules de Valmajour ne pratiquent guère que dans les villes, et encore rarement, pour certaines fêtes félibréennes ou à l’occasion des offices de Noël de la cathédrale d’Aix.

  1. Les spectateurs de Numa Roumestan ont pu voir, sur la scène, ce tambour d’une forme très allongée ; l’artiste tient de la main gauche le galoubet, sorte de flûte à trois trous, et marque la mesure en frappant de la main droite la peau du tambourin avec une baguette à bout d’ivoire.