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séricicole, à un « magnanier », qu’il logeait, nourrissait, et secondait avec son personnel et son matériel. Une fois l’éducation terminée et les cocons bien vendus, le magnanier reprenait le chemin de son village, après avoir prélevé pour sa peine, le sixième ou le septième de la récolte.

Actuellement encore, toute exploitation de moyenne importance comporte un troupeau de brebis. Les gages des bergers, depuis une cinquantaine d’années, ont plus que doublé, et en outre, d’après un usage local profondément enraciné, le pâtre conserve le droit d’adjoindre au bétail qu’il dirige un certain nombre de bêtes (dix à douze) lui appartenant. Nous avons déjà parlé des beaux chiens d’antan ; à cette époque, plus d’un berger régnait despotiquement non seulement sur son avé et ses chiens, mais sur un mensit ou gamin qui faisait l’apprentissage du métier en gagnant une dizaine de francs par mois. Certains propriétaires du pays s’étaient donné autrefois beaucoup de mal pour améliorer les toisons par le croisement de la race du pays avec des béliers mérinos importés à grands frais. Plus tard la décadence définitive du prix des laines annula les effets de ce perfectionnement. Par bonheur l’élevage de l’agneau n’a jamais cessé d’être une importante source de profits pour les éleveurs. Le taux de vente, qui ne surpassait pas 6 livres à l’époque du Consulat, atteint de nos jours 18 francs, dans de bonnes circonstances, il est vrai, lorsque le prix du kilogramme sur pied oscille autour de 1 franc. A noter que, la vente du lait n’ayant pas en Provence l’importance qu’elle présente dans les Cévennes, à cause des fromages, le poids de l’agneau provençal, lorsqu’il est livré au boucher, est sensiblement double du poids de l’agneau caussenard, parce que celui-ci, vendu à la hâte, tette fort peu de temps. Du reste, on engraisse aussi le premier sans lui faire quitter la bergerie natale, avec des grains ou du blé, avant de le sacrifier.


III

Loin d’être la langue populaire en usage dans la majeure partie de la Provence, l’idiome gracieux dont s’est servi le chantre de Mireio ne se parle dans toute sa pureté que dans la verte commune d’Arles et dans un certain nombre de villes ou villages voisins du cours du Rhône, sur la rive gauche de ce fleuve. Le même dialecte déborde bien un peu sur quelques localités de la