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les consciences catholiques lui reprochent. Comment ne pas se laisser aller facilement, en voyant maintenant le nom de république en bonne odeur, à croire que la distinction n’était pas si mal fondée qu’on le disait, que le mal après tout était exagéré, et qu’en tout cas, le remède n’étant ni très pressé, ni actuellement possible à obtenir, on peut prendre en patience un ajournement indéfini et se contenter, en attendant, d’une bonne parole d’un ministre ou de quelques tempéramens insignifians? En un mot, la république chrétienne est une abstraction, ce qu’on appelle en philosophie un être de raison : son image est pâle et fuit devant les regards; l’autre est réelle, vivante en chair et en os, et même, les jours de tournée administrative, en uniforme. C’est sa signature qui figurera au bas du décret portant la nomination qu’on sollicite, ou l’avancement qu’on attend. Quelle tentation de penser qu’on peut dès à présent, sans lui chercher chicane, lui rester non seulement soumis, mais attaché en pleine sécurité de conscience !

Contre une confusion qui refroidit le zèle, décourage toute résistance, si contraire d’ailleurs au texte formel des Encycliques, comment l’épiscopat français ne protesterait-il pas? Plusieurs l’ont déjà fait avec éclat, et ils ont senti d’autant plus la nécessité, que leur silence aurait pu être considéré comme une complaisance pour une erreur qui serait par là devenue générale. On aurait pu d’autant plus s’y méprendre, qu’il y)a d’autres occasions où ils sont obligés de parler, le silence absolu ne leur étant pas possible. C’est le cas, par exemple, lorsque le chef de l’État ou quelqu’un des représentans du pouvoir vient à passer par leur résidence diocésaine. Ce jour-là, en vertu d’anciens décrets impériaux, ils doivent venir saluer le visiteur officiel, avec les généraux, la magistrature et toutes les administrations en grande tenue, devant les troupes de la garnison sous les armes. Autrefois ces manifestations étaient rares. On les réservait pour la présence du souverain lui-même, appelé par quelque grande solennité patriotique, et les ministres que j’ai connus auraient craint pour eux-mêmes l’ennui et le ridicule de ce branle-bas administratif. Ceux d’aujourd’hui paraissent s’y plaire, car il n’est aucun des membres les plus obscurs de ces cabinets éphémères qui ne profite de sa dignité d’un jour pour se mettre ainsi en vue et se faire entendre, à propos d’une ligne de chemin de fer local à ouvrir, d’un hôtel de ville ou d’une école à inaugurer, de la statue d’un illustre inconnu à placer sur