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n’avait rien voulu ajouter aux traditions du Saint-Siège apostolique, sur le degré d’obéissance due aux pouvoirs constitués? Or, assurément, ce degré d’obéissance qui consiste à rester soumis aux lois, et à s’abstenir de conspiration comme de tout acte séditieux, n’avait été méconnu ni par l’illustre Berryer en sa longue fidélité à la légitimité proscrite, ni par les vétérans parlementaires que j’ai connus, qui comptaient tant d’éminens chrétiens dans leurs rangs et qui restèrent dans une fière indépendance devant Napoléon III. On peut avoir d’excellentes raisons, que je ne discute pas, pour ne pas imiter aujourd’hui ces nobles exemples : on n’a pas de reproche à faire à ceux qui les suivent.

On dit de plus qu’en exigeant que les catholiques, pour être admis à prendre part à la défense religieuse, renoncent à leur fidélité monarchique, on veut éviter de mêler la politique à la religion. L’erreur ou plutôt l’abus de mot est manifeste : car la triste expérience d’une élection récente fait voir que le mélange de politique et de religion s’opère plus sûrement par la voie de l’exclusion que par toute autre, et c’est compromettre absolument une séparation si désirable que d’interdire, tout aussi bien que d’imposer, au nom de la religion, un ordre d’opinions politiques. On a beaucoup accusé les royalistes de confondre leur dévouement aux intérêts religieux avec les sentimens que leur inspirent des convictions héréditaires. Si le reproche était juste, ce ne serait pas une raison pour imiter leur tort, en opérant une confusion du même genre au profit de convictions beaucoup plus récentes.

Mais, si les instructions pontificales ne tracent nullement entre les catholiques cette ligne de démarcation blessante qui, en leur rendant toute action commune impossible, les condamnerait tous à une commune impuissance, il est un autre ordre de distinctions qu’elles imposent d’une façon certaine, et qui ne peut être contestée. Une différence très nette y est faite, non seulement dans leur esprit, mais dans le texte même, entre la forme républicaine, considérée en soi et à laquelle il est conseillé d’adhérer, et les actes comme les lois propres à la République d’aujourd’hui et qui jusqu’ici la caractérisent.

Il semble que toutes les précautions aient été prises pour qu’aucun malentendu ne pût subsister à cet égard. Car rien n’égale l’énergie des termes par lesquels le Saint-Père a réprouvé une législation que nos gouvernans déclarent pourtant intangible et constituant à leurs yeux l’essence même de la république.