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bienveillant du Saint-Père. J’eus quelque peine à partager cette illusion : je comprenais trop bien comment le budget des cultes agrémenté de la suppression facultative des traitemens, loin d’être une gêne, est un ressort commode pour ceux qui le tiennent en main ; c’est comme une vis de pression qui joue sans bruit, qui blesse celui qu’on veut faire obéir, à un point sensible, et qu’on relâche ou qu’on resserre à volonté. Un tel moyen de gouvernement appliqué à une force comme celle de l’ordre ecclésiastique tout entier vaut bien qu’on l’achète quelques millions. L’abandonner quand on est au pouvoir, par fidélité pour un principe autrefois proclamé dans l’opposition, ce serait une loyauté voisine de la duperie, dont les partis politiques, dans la rapide succession qui les abaisse ou les élève tour à tour, ont rarement fait preuve.

Aussi quelle réponse vraiment topique faisait hier encore M. le garde des sceaux à des collègues qui venaient, avec une terreur plus ou moins sincère, lui donner un avertissement plus ou moins désintéressé, et le sommaient de se mettre en garde contre le péril clérical, renaissant avec une forme plus dangereuse que toute autre, sous le couvert de la politique insinuante de Léon XIII! Il énumérait simplement le nombre de traitemens d’ecclésiastiques qu’il avait supprimés depuis son entrée au ministère. Pourquoi parler si haut? si le péril clérical existe, semblait-il dire, voilà le procédé pratique pour le conjurer. Le bruit que vous faites me gêne plutôt pour en user.

Mais alors, on ne peut jeter les yeux sans quelque confusion sur des pages brûlantes de l’Avenir, que le Père Maumus n’a pas craint de reproduire et qui, hier encore oubliées, semblent reprendre un éclat nouveau et reparaître gravées en lettres de feu. C’est le budget des cultes surtout qui était l’objet des plus sanglantes invectives de Lamennais. Il y voyait, pour le clergé tout entier, le gage en même temps que le salaire de la servitude, et une manière, pour le pouvoir civil, d’acheter le concours et même la soumission du pouvoir spirituel. C’était méconnaître absolument l’esprit de la transaction intervenue en 1801. L’indemnité assurée au clergé n’est qu’une dette solennellement reconnue par l’Assemblée Constituante de 1789, en échange des biens qu’elle retirait à l’Eglise, et le concordat ne fait que consacrer cet engagement par une novation expresse. Un créancier n’est nullement l’obligé du débiteur qui s’acquitte et n’a pas