Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 141.djvu/313

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

publicité et sans garantie avait fini par tellement choquer nos habitudes de décence et d’équité que, quand M. de Bismarck nous invita une fois, M. Decazes et moi, à l’employer pour dégager notre solidarité d’actes épiscopaux qui l’avaient choqué, quelle que fût alors notre faiblesse en face d’un vainqueur tout-puissant, nous opposâmes une résistance absolue à ses sommations menaçantes. Notre direction des cultes républicaine témoigne, au contraire, pour ce mode de justice dérisoire, une prédilection particulière, et c’est tous les jours et à toute heure qu’elle l’emploie. A la vérité, l’effet de cette pénalité étant purement morale, l’efficacité, s’il y en a une, est singulièrement atténuée par cette répétition, mais une grave atteinte n’en est pas moins portée à la dignité et, par là, à la liberté du ministère sacré.

D’autres dispositions, du même genre, de ce document organique (dont la valeur est si contestable) ont été renouvelées par un mode d’interprétation et d’extension qu’on aurait difficilement imaginé. Nous savions bien, par exemple, que l’article 4 défendait tout concile, synode ou réunion ayant caractère d’assemblée délibérante; mais qui aurait jamais supposé qu’on attribuerait un tel caractère à une solennité ecclésiastique où des évêques français seraient appelés à célébrer le quatorzième centenaire de l’avènement royal du christianisme en France? Enfin, je suis sûr que personne de notre génération ne se souvenait que, pour ouvrir dans sa demeure personnelle un oratoire privé réservé à sa famille et à ses amis, tout propriétaire avait besoin d’y être autorisé par le préfet de son département, et, faute d’être muni de cette permission, était exposé à voir descendre chez lui une perquisition de police et à être cité pour contravention devant son juge de paix. Il a fallu, pour être convaincu que ce droit exorbitant existait encore, qu’on l’ait vu appliquer, manu militari, et jusqu’à effusion de sang, à de pauvres ouvrières, coupables d’avoir été humblement prier dans la chapelle voisine de l’atelier où elles travaillaient.

Voilà par quelle surprise se sont aggravées, pour les catholiques seuls, les restrictions ordinaires mises par la police à l’exercice du droit de réunion, et nous entendons tous les jours parler, comme de la chose la plus naturelle du monde, de chapelles privées fermées par des gendarmes. Ah! s’il s’agissait d’une salle de spectacle, préparée pour le divertissement d’acteurs de société, on y mettrait plus de ménagemens.