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doute, qu’il se soit écarté en rien de la doctrine de ses prédécesseurs : il l’a fortifiée, au contraire, en l’éclaircissant et en imposant silence aux fausses interprétations qui la dénaturaient. C’est une tâche qu’il avait abordée avant même d’être élevé au trône pontifical, et quand il occupait encore le siège épiscopal de Pérouse. Dans un mandement qui fut dès lors très remarqué, en rappelant tous les services que l’Eglise avait rendus et tout l’intérêt qu’elle porte encore aux progrès de la civilisation, il avait rétabli dans sa signification véritable une des propositions les plus injustement calomniées du Syllabus de Pie IX. Depuis lors, il n’est aucune de ses grandes encycliques, en y comprenant même celles qu’il a adressées aux nations que le schisme a séparées de l’Eglise, qui n’ait été inspirée par cet esprit de concorde et de paix.

Et ses actes ont été le meilleur commentaire de ses paroles. Je n’en connais pas de plus significatif que la satisfaction qu’il a plusieurs fois publiquement témoignée en constatant la situation, chaque jour grandissante, du catholicisme aux Etats-Unis. Assurément il est loin d’approuver le principe de la constitution américaine en matière religieuse, et la séparation absolue qu’elle prononce entre toute Eglise et l’Etat. Nul doute qu’il condamne, comme politique au moins autant que comme docteur, le mélange, le fourmillement des sectes pullulant à la surface de ces cités nouvelles que chaque jour voit éclore sur tous les points de ce vaste continent. Mais il n’en sait que plus de gré à tous ceux, ministres ou fidèles, qui tiennent le drapeau catholique, d’avoir mis à profit ces libertés, qui ailleurs seraient excessives, pour en faire des instrumens efficaces de défense, de conquête et de propagande: et il ne leur demande ni de prononcer une parole, ni même de nourrir un sentiment qui permette à leurs concitoyens de douter de leur attachement fidèle aux institutions devenues chères à la patrie commune. L’approbation ainsi donnée aux catholiques du Nouveau Monde est une leçon pour les catholiques de l’Ancien. C’est un avertissement, adressé à tous ceux (et le nombre en est grand dans notre vieille Europe) qui ont vu le jour dans un milieu social dont ils n’auraient pas fait choix, d’avoir à s’y mouvoir sans crainte et à s’y comporter virilement, au lieu de s’épuiser en stériles réclamations.

Nul doute que ce ne soit aussi le sens de l’invitation faite aux catholiques français, de se rallier autour des institutions