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à ce sujet, que le Père Maumus rapporte, furent-elles explicites et répétées sur un ton de sincérité qui finit par dissiper toute méfiance. La liberté pour tous, redirent également Lacordaire, Dupanloup, Ravignan et Veuillot, avec le même accent, et sans apparence de restriction mentale. C’était dès lors un grand pas fait (que tous s’en rendissent ou non également compte) dans cette recherche du droit commun et de la liberté que Lamennais avait inaugurée. Le débat qui s’engagea en fit faire dans le même sens de plus considérables. Sans méconnaître l’obligation qui résultait des promesses de la charte, le gouvernement d’alors crut s’en acquitter par des propositions de lois qui ne furent pas jugées suffisantes et suscitèrent, de la part de l’épiscopat, des réclamations à peu près unanimes. Emu de cette levée de boucliers sacerdotale, le ministère de M. Guizot se crut (bien qu’avec un regret visible) obligé de recourir aux répressions d’ordre administratif qu’une législation en vigueur lui mettait entre les mains. Les mandemens de plusieurs prélats furent traduits au Conseil d’Etat et frappés comme d’abus : toute démarche collective leur fut interdite. De son côté, le monopole universitaire ne s’exécuta pas sans résistance. Ses défenseurs crurent habile de se mettre en garde en menaçant de représailles. Les congrégations religieuses passaient, non sans raison, pour être mieux en mesure qu’aucune institution laïque de mettre à profit la liberté, une fois qu’elle serait reconnue. On prit les devans et on parla de les faire supprimer, non seulement en application de la loi générale qui prohibait toutes les associations, mais en vertu de vieux édits de proscription qui sommeillaient et dont on réveilla le souvenir pour la circonstance : on souffla sur des préjugés éteints et le nom des Jésuites fut prononcé avec une horreur affectée. Contre ces tentatives de persécution, les catholiques ne purent se mettre à couvert que derrière l’abri tutélaire du principe général de l’égalité devant la loi qui devrait garantir à tout citoyen, fût-il prêtre ou même moine, le plein usage de sa liberté et de son activité individuelles. « Cette robe est aussi une liberté! », s’écriait le Père Lacordaire en agitant les plis de son habit de dominicain. Ainsi le champ d’abord borné du débat s’élargissait de jour en jour et d’épreuve en épreuve, et l’Eglise catholique en venait par degrés à réclamer dans les institutions modernes une place qui devait rester considérable encore par sa force et par son éclat, mais qui ne serait nullement exclusive;