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que d’une simple tolérance. Ses dogmes ne pouvaient être mis en discussion et faisaient le fond de tout enseignement. L’observation au moins extérieure de ses préceptes était assurée par une intervention légale.

Cet état de choses, déjà très ébranlé avant 1789, a disparu sans retour en France depuis cette date fameuse. La religion d’État a cessé d’être, et le nom seul en a figuré encore pendant quelques années dans la charte de 1814. La liberté de la discussion est aussi grande en matière religieuse qu’en toute autre. Tous les dogmes peuvent être enseignés et pratiqués sous la seule réserve (dont l’État et non l’Église reste juge) de ne pas offenser la morale et de ne pas troubler l’ordre public.

Placés ainsi en face d’un fait social qui renversait beaucoup d’idées traditionnelles et choquait des sentimens héréditaires, quelle attitude devaient prendre les fidèles soumis à l’Église, et désireux de mettre leur zèle au service de sa cause? Devaient-ils considérer cet ordre nouveau comme un état en soi toujours condamnable, le subir uniquement comme une nécessité de fait et une épreuve de foi, en consacrant toute leur activité à en combattre et à en démontrer les vices, dans l’espoir que l’expérience éclairée par leurs efforts en amènerait tôt ou tard la réparation plus ou moins complète? Pouvaient-ils, au contraire, se prêter franchement à la condition légale qui leur était faite sans arrière-pensée, sinon sans regret, sans faire de la résurrection du passé l’objet de leurs revendications et de leurs espérances ? Renonçant à réclamer au nom de l’Église ni autorité, ni privilège, pouvaient-ils se borner à faire usage, pour la propagation et la défense de ses doctrines, des libertés qui leur étaient, sinon données, au moins promises, et se contenter d’en réclamer l’extension et la garantie?

Telles étaient les deux voies ouvertes devant les catholiques et entre lesquelles ils avaient à choisir en conformant les conseils de leur raison aux prescriptions de leur conscience. Dans aucune des deux, comme on le voit, ni la monarchie ni la république n’étaient intéressées, puisqu’au moment où il fallait se décider entre elles, la république n’était ni établie ni près de l’être.

Quelque hésitation était assez naturelle, et rien ne pressait d’en sortir, tant que le retour au régime disparu pouvait paraître encore, dans des prévisions optimistes, sinon probable, au moins possible ! C’était le cas pendant les années de la Restauration, quand le gouvernement monarchique d’alors passait à tort ou à