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en vain. La Grèce n’obtiendra pas plus après la guerre qu’elle n’aurait obtenu auparavant, et tout ce qu’on peut souhaiter, c’est qu’elle n’essaie pas de prendre par des désordres intérieurs la revanche des déceptions qu’elle aura éprouvées sur sa frontière. Le roi Georges et ses enfans se sont montrés de véritables Hellènes; ou ne peut pas n’être pas touché du courage héroïque avec lequel ils ont partagé tous les périls de la patrie. Ils se sont confondus avec la Grèce elle-même, et, quoi qu’il advienne, ils auront mérité qu’elle se reconnaisse en eux.


Nous ne voulons pas terminer cette chronique sans exprimer l’horreur que nous inspire la tentative d’assassinat qui a eu lieu, le 21 avril, contre le roi d’Italie. Tout le monde civilisé en a été également indigné. En présence de pareils attentats, les distinctions de nationalités s’effacent, car c’est l’humanité elle-même qui est en cause et qui se sent menacée. Peut-être, toutefois, le sentiment public a-t-il été plus vif en France que partout ailleurs, soit à cause de la communauté d’origine qui, malgré des malentendus passagers, nous a toujours fait regarder les Italiens comme des proches, soit à cause du souvenir que nous avons gardé du malheur dont nous avons été atteints naguère, par suite d’un crime du même genre, et des témoignages de sympathie qui nous sont venus alors de l’autre côté des Alpes. Nos voisins en ont été quittes pour la peur, et le roi Humbert pour moins encore, car il n’est pas dans le caractère de sa race d’éprouver ce genre d’émotion. Il n’a dû son salut qu’à son inaltérable sang-froid, et la simplicité toute militaire avec laquelle, quelques instans après l’attentat, il en racontait les détails, ont frappé tous les assistans. L’assassin paraît être un misérable égaré, n’appartenant à aucun parti, à aucune secte, et seul responsable de son odieuse tentative. Pourquoi donc le journal socialiste l’Avanti a-t-il jugé à propos de dire que de pareils crimes ne pouvaient être utiles qu’à la monarchie ? Est-ce pour en décliner la responsabilité? Est-ce parce qu’il sentait que l’opinion publique en rejetait quand même une partie sur lui et sur sa dangereuse propagande ? Quoi qu’il en soit, il a éprouvé le besoin de se défendre, et c’est un fait qui mérite d’être noté.


FRANCIS CHARMES.


Le Directeur-gérant,

F. BRUNETIERE.