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ce que nous voudrions, c’est qu’on ne se trompât plus sur son caractère et sur les limites où il peut s’exercer utilement.

On sait que toutes les puissances y participent, mais non pas toujours au même degré. Nous avons eu plus d’une fois l’occasion de faire remarquer que l’une au moins, l’Allemagne, le regardait comme une respectable académie à laquelle il était bon d’appartenir, à la condition toutefois de ne pas lui sacrifier la liberté de ses allures De toutes les puissances, l’Allemagne est celle qui a constamment approuvé, et le plus volontiers, toutes les suggestions des autres : cela lui coûtait d’autant moins qu’elle se réservait in petto de les laisser exécuter sans sa participation et d’agir de son côté, ou de ne pas agir, suivant ses propres inspirations. Aussi a-t-elle pris en Europe une situation particulière, sur laquelle il n’est plus permis de se tromper. Ce que nous avons dit de la collaboration très large, et d’ailleurs avouée, que de nombreux officiers allemands ont prise à la préparation de l’armée turque, et prennent aujourd’hui encore à sa direction, ne laisse aucun doute sur la politique de l’empereur Guillaume. Dès le premier jour, il s’est prononcé contre la Grèce. On a attribué son attitude aux motifs les plus divers, et même à des circonstances de famille qui l’ont brouillé avec sa sœur, la princesse Sophie, femme du diadoque. Il est possible que ses sentimens personnels aient influé sur le ton qu’il a donné à son langage, mais il faut chercher ailleurs les causes beaucoup plus sérieuses de sa conduite. Il ne pouvait pas oublier que l’armée ottomane lui avait emprunté des méthodes, des instructeurs, des armes, et s’était mise en quelque sorte à son école. Ne fût-ce qu’à ce point de vue, ses sympathies militaires étaient du côté de la Turquie. Il en était de même de ses sympathies politiques. L’Allemagne cherche depuis longtemps déjà à faire entrer l’empire ottoman dans l’orbite de la Triple Alliance. Elle a poursuivi son but avec la constance et la patience qu’elle met dans l’exécution de ses desseins, sachant attendre les occasions, et ne manquant jamais d’en profiter. Le gouvernement de l’empereur Guillaume est affranchi des préoccupations avec lesquelles doivent compter la plupart des autres. L’opinion publique est docile en Allemagne, du moins en ce qui concerne la politique extérieure. Le parlement est à peu près muet. Dans ce pays, qui est un des plus savans de l’Europe, l’amour du grec n’influe pas comme ailleurs sur la direction de la vie. On y pratique, lorsqu’il s’agit des rapports internationaux, le réalisme le plus pur, rude et brutal au besoin, uniquement fondé sur le calcul et la juste appréciation de l’intérêt de l’État. Cette tournure d’esprit a ses avantages. Elle est d’ailleurs traditionnelle en Prusse, et elle a déjà