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La femme de Sichem ou, bien de Magdala,
Toujours une de vous, près de moi, sera là;


(ce qui rappelle la dernière phrase d’Adrienne Lecouvreur : « Et la postérité, charmée par nos amours, ne séparera plus dans sa mémoire Maurice et Adrienne », ou quelque chose d’approchant), il se ressouvient tout à coup des cheveux et ajoute ces vers « troublans » :


Et ce sera ta gloire encor que l’on confonde
Parfois ta tresse rousse avec sa tresse blonde.


Et là-dessus il re-renanise. Photine, au deuxième tableau, avait dit en son nom :


Soyez doux : Comprenez. Admettez. Souriez.


Il sourit, en effet. Il a même le mot pour rire. A l’ivrogne qui s’accuse de n’avoir pas aimé l’eau, il réplique :


Je l’ai changée en vin aux noces de Cana.


« Quand tu pries, dit le Jésus de saint Mathieu, ferme ta porte... Ne multiplie pas de vaines paroles, comme les païens, qui se figurent qu’à force de paroles, ils seront exaucés. »Plus fin, le Jésus de M. Rostand traduit avec esprit :


Priez donc en secret. Ne priez pas longtemps.
C’est être des grossiers qu’être des insistans.
La meilleure prière est la plus clandestine.


Et cela finit par une exécrable « traduction en vers » de l’oraison dominicale. Pourquoi en vers, mon Dieu? C’est si bien en prose! Et tout cela n’a point empêché Mme Sarah Bernhardt d’être admirable, ni M. Brémond d’être, après tout, décent malgré ses joues et son bedon, ni la mise en scène d’être merveilleuse de couleur et de vie, ni la Samaritaine d’être un des succès les plus éclatans auxquels j’aie eu la bonne fortune d’assister.


La Montagne enchantée, à la Porte-Saint-Martin, tient du Pied de Mouton et des poèmes wagnériens. Oui, du Wagner mis à la portée des moyennes intelligences philosophiques et musicales. Mais que ce quelque chose d’un peu hybride ne vous déconcerte pas; le Pied de Mouton est servi à part ; Mme Hading est fort belle ; les décors et trucs magnifiques ou ingénieux ; et j’ai passé là une fort bonne soirée.


JULES LEMAÏTRE.