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de la publicité et de la réclame, et où s’est aussi propagée la « névrose », car tout cela se tient. N’importe : Michel Cœurdroy, le jeune homme de proie qui exploite le snobisme des mondains en vue d’un bon mariage, est une variété intéressante de l’espèce « Paul Astier » ; Myriem, sœur de la Monna et de l’Ysolde de Willy (Maîtresse d’esthètes) est un « Botticelli » d’un comique énorme ; et le roman dialogué de M. Pierre Veber eût risqué de faire un peu tort, dans ma pensée, à la comédie de M. Gustave Guiches, si le snobisme n’était un champ inépuisable et si M. Guiches n’avait eu son dessein particulier, — qu’on démêle peut-être plus qu’on ne le voit.

Une des variétés les plus simples du snob, c’est le bourgeois-gentilhomme. Supposez que le bourgeois-gentilhomme soit homme de lettres, et vous aurez à peu près le principal personnage de M. Guiches. Jacques Dangy, c’est l’homme de lettres qui se pique d’être avant tout un homme du monde, et du vrai, et du moins accessible ; c’est le romancier snob.

Ce type paraît être, pour une assez grande part, un type d’aujourd’hui. Sans doute il dut y avoir, sous l’ancien régime, des bourgeois-gentilshommes de la littérature, surtout parmi les écrivains du second ou du troisième ordre. Il se peut que Voiture, par exemple, en ait été un. Je ne jurerais même pas que Voltaire ait toujours été exempt de cette faiblesse, ni Chamfort, ni Beaumarchais. En revanche, je ne la découvre chez aucun des braves bourgeois de grands écrivains du XVIIe siècle. Rien non plus qui nous la dénonce chez les Diderot, les d’Alembert ou les Jean-Jacques Rousseau. — Mais, snob par la vanité de fréquenter le « monde » et le désir d’ « en être », Jacques Dangy l’est encore d’une autre façon, qui paraît, celle-là, avoir été tout à fait inconnue des écrivains d’autrefois. Dangy est snob, même en tant que peintre des mœurs mondaines : il demeure fasciné par elles dans le moment où il affecte d’en faire la satire. Il ne consent à peindre que des adultères « chic » et que des âmes féminines habitantes de la plaine Monceau, ou des environs de l’Arc de triomphe, ou de ce qui reste du « Faubourg », ou des grands hôtels cosmopolites de la « Côte d’azur ». Et il entoure ces âmes des plus minutieuses « élégances » extérieures, en réalité parce que ces élégances le délectent et parce qu’il n’est pas fâché de faire connaître qu’elles lui sont familières. Et c’est ce travers qui est nouveau, je pense, dans la littérature.

Je connais le grand argument de Jacques Dangy. Il alléguera que ce n’est ni dans le peuple ni dans la petite bourgeoisie, mais seulement dans la classe oisive et opulente, où la vie passionnelle n’est pas contrainte