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famille de leur mari, se retirent dans les monastères, assez nombreux dans les provinces du centre et du sud ; la tête rasée, vêtues de couleurs sombres, ces femmes mendient, lisent les prières, travaillent; fort peu sont instruites : toutes ont mauvaise réputation pour la chasteté, et il ne semble pas que ce renom soit immérité, puisque les hommes se réunissent dans certains monastères pour y fumer et y boire; mais ce mépris tient aussi à la répulsion instinctive que le Chinois a pour toute femme qui sort des règles admises par la morale confucianiste. Le taoïsme, qui a tant emprunté au bouddhisme et qui n’est pas plus vivant que lui, a aussi des religieuses, mais elles sont en très petit nombre. Quant au christianisme, en Chine comme ailleurs, il s’est efforcé de réhabiliter la femme : sans citer des exemples historiques comme celui de Candide Hiu au XVIIe siècle, il est de fait qu’aujourd’hui, outre les Chinoises admises dans les communautés européennes, il y en a d’autres qui forment des ordres indigènes; toutes se consacrent également à l’éducation des enfans et au soin des malades ; malgré les services qu’elles rendent, leur position hors de la famille est tellement contraire à l’esprit national que les lettrés et, à leur suite, les ignorans, les insultent et, dans les momens de troubles, les maltraitent ou les mettent à mort. En dehors des communautés, on trouve souvent des veuves ou des filles chrétiennes de familles aisées, qui s’adonnent bénévolement à l’éducation des enfans pauvres, au soulagement des malades, exercent une influence bienfaisante sur ceux qui les approchent et sont consultées pour toutes les affaires de la chrétienté : on m’en a cité quelques-unes dans plusieurs villages du Tchi-li ; une de ces filles de mérite, morte il y a deux ans, a été regrettée par bien des pauvres de Tien-tsin. La femme a donc pris, dans les communautés chrétiennes, un rôle conforme à l’esprit de la religion, mais tout différent de celui que lui assignent les mœurs du pays.


V

La femme, comme l’homme, mais bien plus fréquemment que lui, est une chose dans le commerce; celui qui exerce la puissance paternelle, a le droit de vendre ceux qui sont sous son pouvoir; nous avons vu qu’en pratique et malgré la loi, le mari vend sa femme ; toute personne est libre de se vendre elle-même, sauf opposition du chef de famille.