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Président et le secrétaire d’Etat, à Washington, étaient heureusement plus calmes. L’Angleterre et la France ayant à nouveau demandé aux Etats-Unis qu’ils s’engageassent comme elles à ne point annexer Cuba; cette demande ayant fait l’objet, au cours des années 1852 et 1853, d’un échange de notes entre M. Everett, prédécesseur de M. Marcy, lord John Russell, premier ministre de la reine Victoria, et le marquis Turgot pour la France ; ayant enfin été rejetée par les Etats-Unis, péremptoirement et à jamais[1], le secrétaire d’Etat de l’Union américaine invita ses trois envoyés à Madrid, à Paris et à Londres, à conférer en commun sur la conduite à tenir dans la question cubaine.

Cette conférence eut lieu du 9 au 18 octobre 1854, d’abord à Ostende, puisa «Aquisgran, en Prusse ». Il en est rendu compte à M. Marcy dans un document très probablement rédigé par M. Soulé, bien que sa signature y figure la dernière. « Nous sommes arrivés à la conclusion, dit ce document, que les Etats-Unis doivent faire un effort immédiat et formel pour acheter Cuba à l’Espagne, à quelque prix qu’on y puisse réussir, en ne dépassant pas la somme de... duros[2]. « Immédiat et formel», cet effort des Etats-Unis doit être, en outre, « ouvert, franc et public » pour forcer « l’approbation du monde ». L’intérêt vital de l’Espagne lui commande de vendre et l’intérêt vital des États-Unis leur commande d’acheter Cuba, sans différer. « Il y a des considérations qui font qu’un retard dans l’acquisition de cette île peut être souverainement dangereux pour les Etats-Unis. » En revanche, un peu de complaisance peut être pour l’Espagne souverainement avantageux : « Elle ne peut pas ne pas voir en quelle mesure une somme d’argent comme celle que nous voulons lui payer pour Cuba contribuerait au développement de ses vastes

  1. Note de M. Edward Everett, du 1er décembre 1852 : « Aucune administration de ce gouvernement, pour forte qu’elle soit dans la confiance publique sous tout autre rapport, ne pourrait tenir un seul jour, sous le poids de la haine que susciterait contre elle le fait d’avoir stipulé avec les grandes puissances d’Europe qu’à aucune époque future, et quel que fût le changement des circonstances, par aucun accord avec l’Espagne, par aucun fait d’une guerre légale (si par malheur survenait cette calamité), ni encore par le consentement des habitans de l’île, dans le cas où ils parviendraient à se rendre indépendans comme les autres colonies de l’Espagne sur le continent américain, ni même obéissant à la suprême loi de leur propre conservation, jamais les États-Unis ne pourraient acquérir la possession de Cuba. » Sedano, p. 111.
  2. La somme n’est pas précisée dans le texte imprimé (Sedano, p. 137), mais on peut induire, d’un passage suivant, que l’on songe à proposer 120 millions de duros.