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américaine qui, de son côté, ne peut manquer de le recevoir. Comme la politique populaire, elle estime que cela est écrit, que cela est nécessaire, que cela arrivera tôt ou tard et, comme elle, elle aimerait sans doute mieux que ce fût plus tôt que plus tard. Comme la politique populaire, elle ne demanderait peut-être qu’à avancer l’heure ; seulement elle connaît ses obligations, et tandis que le peuple parle de brusquer et de prendre, elle ne parle que de traiter et d’acheter.

Mais, comme voilà soixante-dix ans que la politique populaire rêve de prendre, voilà soixante-dix ans aussi que la politique officielle songe à acheter. Pour cette démocratie qui s’est, dès l’origine, constituée sur le plan d’une vaste maison de commerce, et en qui, par la suite des temps, ce caractère s’est encore accusé, réalisant vraiment dans le Nouveau Monde, à la face de l’Ancien qui ne l’avait jamais vu, le type du gouvernement industriel et le réalisant à ce point que les hommes d’Etat n’y semblent être souvent que des patrons actifs et entendus et les affaires, — en tout bien, tout honneur, — que des affaires; pour la démocratie américaine le parti a été bientôt pris en ce qui concerne Cuba, et, une fois pris, le gouvernement de l’Union s’y est attaché avec cette obstination tranquille qui, dans les opérations à long terme, est une des conditions du succès. L’affaire cubaine aussitôt aperçue, aussitôt conçue, a été — n’est-ce pas le mot? — établie : frais, tant; risques, tant; bénéfices, tant.

« L’île de Cuba, écrivait M. Adams lui-même, Cuba, qui se voit presque de nos plages, en est arrivée à être pour les intérêts de l’Union américaine, soit commerciaux, soit politiques, un objet d’une importance transcendante et si grande qu’un jour viendra probablement où l’annexion de Cuba à notre république fédérale sera indispensable pour le maintien et l’intégrité de cette Union. » En ses considérans, M. Adams visait la situation de Cuba par rapport au golfe du Mexique et aux mers occidentales ; l’ouverture et la sûreté du port de la Havane vis-à-vis d’une longue ligne de côtes américaines, dépourvues d’un tel avantage ; la population de l’île ; la nature de ses productions et de ses besoins, ce qu’elle donnait et ce qu’elle consommait, ce qu’elle pourrait exporter et ce qu’elle devrait importer, d’où naîtrait infailliblement un trafic à profits énormes. Le tout évalué en argent, à la même date de 1823, par un autre ministre des Etats-Unis, M. Appleton, recettes et dépenses balancées, à un excédent