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francs, jouent avec les blancs des hermines et du costume du jeune dauphin, avec les gris délicats des collerettes et les gris plus soutenus de l’architecture.

L’aspect est d’une richesse extrême et, si nombreux qu’ils soient, les détails subordonnés à l’ensemble concourent à l’unité de l’œuvre. Nulle hésitation d’ailleurs, nulle trace de fatigue; partout l’aisance et la sûreté dans cette admirable peinture où les raffinemens de la maîtrise la plus consommée conservent cette apparence de spontanéité qui est un des privilèges du génie de Rubens.


V

C’était là un art bien nouveau qui, surtout en France, n’avait guère chance, à ce moment, de rencontrer un public préparé pour le comprendre. Les appréciations de la cour, nous l’avons vu, portaient plutôt sur la nature même des sujets que sur le talent avec lequel ils étaient rendus. L’artiste, du reste, n’avait pas une haute idée du goût de la reine mère en matière de peinture, car il trouvait qu’elle n’y entendait absolument rien[1], bien que, suivant de Piles, « elle dessinât fort proprement ». Il ne faudrait pas non plus chercher un jugement tant soit peu motivé des peintures de Rubens dans une description du palais du Luxembourg en vers latins, publiée dès 1628 sous le titre : Porticiis Medicæa[2], avec une dédicace au cardinal de Richelieu. L’auteur, un érudit de cette époque nommé Claude Morisot, s’y évertue, avec autant de lourdeur que de préciosité, à combler de ses flatteries les puissans du jour bien plus qu’à apprécier les tableaux du maître. Ce dernier, qui avait reçu copie du manuscrit du poète, tout en remerciant Pierre Dupuy de cet envoi, s’excuse de n’avoir pas trouvé le temps de le lire et « de n’y avoir jeté qu’un coup d’œil. » Les vers d’ailleurs lui paraissent bien faits, « mais il ne saurait avoir grande obligation à l’écrivain qui ne l’a même pas nommé, » Ce n’était pas là le compte de Morisot, qui s’attendait à des complimens. Dupuy, probablement sur sa réclamation, étant revenu à la charge, Rubens lui répond (28 octobre 1626) qu’ayant lu les vers avec plus d’attention, il ne saurait cependant se prononcer sur leur valeur littéraire; cela regarde

  1. Lettre à Dupuy, 27 janvier 1628.
  2. In-4°; Paris, Fr. Targa.