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avec le roi qu’avec la reine mère, car, dans une lettre ultérieure[1], il insiste sur la négligence qu’on met à lui payer « les cartons de tapisseries faits pour le service de Sa Majesté. » Une fois de plus, nous retrouvons ici la marque de cet esprit d’ordre qui est un des traits saillans du caractère de Rubens. Comme il est lui-même d’une ponctualité extrême, il souffre de ne pas rencontrer cette qualité chez les autres, et il faut bien reconnaître que, dans ses rapports avec les grands, il devait bien souvent être exposé à des déceptions de ce genre.


IV

Pour le moment, ce qui retient Rubens de se plaindre trop vivement de ces retards, c’est que, la galerie de Médicis étant terminée, il voudrait s’assurer la commande des peintures de la galerie d’Henri IV, où il sent qu’il aurait occasion de déployer librement son génie sans être assujetti aux contraintes qu’il vient de subir. Ces contraintes, en effet, ont lourdement pesé sur lui et peut-être les abus de l’allégorie, à laquelle il était forcé de payer un si large tribut, expliquent-ils un peu l’indifférence relative avec laquelle on apprécie encore aujourd’hui une des œuvres capitales de l’artiste, sans tenir un compte suffisant des conditions dans lesquelles elle a été faite. Bien qu’il y ait lieu d’établir entre les divers tableaux qui la composent des distinctions nécessaires, on les juge en bloc et assez dédaigneusement. Ne conviendrait-il pas tout d’abord de remarquer, d’une manière générale, l’ampleur de conception, l’éclat et les qualités décoratives que Rubens a su conservera ce vaste ensemble? Puisqu’il ne lui était pas permis de choisir à son goût les épisodes qui auraient le mieux convenu à son talent, n’a-t-il pas su, du moins, tirer le parti le plus pittoresque du programme assez ingrat auquel il devait se conformer? Cette moyenne admise, essayons de démêler entre ces différens ouvrages ceux qui, par la nature même des sujets qui lui étaient imposés, ou à raison de la part plus ou moins grande qu’il a prise à leur exécution, donnent plus complètement la mesure de son génie.

Nous négligerons volontiers quelques-unes de ces allégories pures dont les divinités mythologiques font tous les frais, comme

  1. A Valavès, 26 février 1626.