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La France, dit-on, est désignée par sa situation géographique pour être le magasin universel, le terrain d’échanges et de transit du genre humain. Nous avons Marseille, Cette, Bayonne, Bordeaux, Nantes, Brest, Cherbourg, le Havre, Dunkerque, autant de portes ouvertes sur la Méditerranée et l’Océan par tous les temps et dans toutes les saisons. Pourquoi ces ports ont-ils un mouvement commercial si faible à côté de ceux de Rotterdam, de Brème et de Hambourg, beaucoup moins bien situés, dont l’accès, toujours difficile, est souvent obstrué par les glaces?

Pourquoi avons-nous perdu, dans le commerce extérieur, le deuxième rang que nous tenions jadis après l’Angleterre? pourquoi nous sommes-nous laissé devancer par l’Allemagne et les États-Unis?

Il y a cette première raison à alléguer de notre déchéance : tandis que l’Allemagne se donnait un outillage commercial et industriel de premier ordre, et faisait notamment de Hambourg le splendide port que tant de descriptions nous ont appris à connaître, nous avons dispersé notre effort sur tous les ports de France à la fois, petits ou grands, sous l’empire des préoccupations électorales, pour ne point favoriser une circonscription au détriment d’une autre.

Avec les dépenses faites pour tous les ports, on aurait pu doter les quatre plus importans d’un outillage leur permettant la lutte avec Anvers et Hambourg.

Et, ces dépenses, il faut voir avec quelle intelligence elles ont été appliquées ! On a déjà jeté 20 millions dans le Pas de Calais, à un kilomètre du casino de Boulogne-sur-Mer, pour construire un port en eau profonde. Les commencemens de jetées sont là, en effet, et la mer les ronge chaque année ; il n’y a plus d’argent pour continuer; les 20 millions sont entièrement perdus. Voilà le triomphe de la politique électorale sur la politique nationale.

Quant au projet d’amélioration du Havre et de la basse Seine, il fait la navette depuis des années entre la Chambre et le Sénat ; pendant ce temps le sable progresse, et la question se pose si les paquebots transatlantiques pourront encore dans un certain délai, qui paraît peu éloigné, pénétrer dans le port du Havre?

Si les pouvoirs publics se sont trompés dans l’attribution des sommes qu’ils affectaient à l’amélioration des ports français, ont-ils d’autre part péché par négligence en refusant de donner à l’industrie de la navigation maritime l’aide que toute industrie