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qu’il prenait dans le monde arabe. Ouvertement il lui renouvelait sa soumission. Il le mettait ainsi dans la nécessité soit de le laisser librement agir, soit même de le soutenir, au risque de se perdre à jamais aux yeux des populations musulmanes. Et, en définitive, il réussit dans cette politique, puisque, malgré nos assurances pacifiques, notre modération, et l’appui moral que nous prêtait l’Angleterre, il fallut une campagne pour faire entendre raison à Abd-er-Rhaman. La paix de Tanger s’ensuivit, — et la convention de Lalla Mar’nia.

Mais, dès le début des opérations, on sait quelles clameurs éclatèrent à Londres. Quoique fort bien renseigné par ses agens, le gouvernement britannique et spécialement sir Robert Peel affecta de craindre que nous n’entreprenions la conquête du Maroc. Aussi apparut-il que nous dussions redouter des complications avec l’Angleterre. Avant l’entrée en campagne, nous avions déclaré ne rien vouloir conquérir, ne poursuivre, avec l’internement d’Abd-el-Kader, que la dispersion des bandes marocaines qui lui prêtaient leur appui. Nous nous empressions de publier les conditions de la paix que nous imposerions au vaincu. Nous ne cessions avant, pendant, après cette courte guerre, de rassurer nos voisins d’au delà de la Manche. L’ambassadeur d’Angleterre à Paris, lord Aberdeen, s’étant entremis, apaisa son gouvernement, et nous crûmes sincèrement qu’il nous avait servis. Auparavant, Moulai-Abd-er-Rhaman, conseillé sans doute, nous avait accusés de rechercher un conflit armé. On voulait — nos ennemis connus et nos adversaires occultes — nous rendre responsables de la guerre. Tout était exploité dans ce sens. C’était d’avance nous lier les mains ; nous nous y prêtions du reste de bonne grâce puisque nous allions au-devant des victoires avec une sorte de timidité. Dès Isly nous nous arrêtâmes bien vite, les deux grandes préoccupations du moment dominèrent toutes nos négociations : 1° nous emparer d’Abd-el-Kador ; 2° éviter le moindre froissement avec la Grande-Bretagne, et, pour cela, ménager le Maroc.

Donc nous avions hâte de traiter afin d’en terminer avec Abd-el-Kader. Certains voulaient que l’empereur du Maroc nous le livrât. C’était trop lui demander. Ses tergiversations, ses récens revers l’avaient compromis aux yeux des populations du Maghreb. La sédition qui s’était manifestée aux extrémités du pays gagnait du terrain. Même autour du sultan, on conspirait. Son trône était