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expéditions, pour calmer l’effervescence de ces tribus qui menacent le Tell, nous entraînent peu à peu vers les Hauts-Plateaux. Nous devons nous y installer, y créer des postes, et ce sont des luttes continuelles. Nos indigènes sont travaillés par les prédications religieuses, des insurrections éclatent. C’est, en 1864, celle des Oulad-Sidi-Cheikh ; en 1881, celle de Bou-Amama. De là viennent les menaces, l’esprit de turbulence, un qui-vive continuel, car nos essais d’organisation sont suivis de déboires. Les populations se désagrègent. Elles fuient, reviennent, se soumettent, obéissant aux influences, aux intérêts du moment. Nous devons recourir tantôt à la persuasion, tantôt à la force, à des compromis avec les personnalités indigènes qui, un jour ou l’autre, finissent par nous glisser entre les doigts.

On peut donc affirmer que sur ce second point la convention de Lalla Mar’nia n’avait pas mieux que sur le premier atteint son but. Sans doute nous devions, avec l’intelligence des mœurs et des idées arabes, nous attendre à de longues difficultés pour faire accepter dans ces régions lointaines notre domination avec nos habitudes de discipline. Mais en raison même de ces complications faciles à prévoir, il était nécessaire d’attacher aux mesures qu’on allait arrêter la plus minutieuse attention. Par la connaissance des lieux de pacage, par celle des établissemens divers des tribus à partager, on pouvait éviter la confusion des sujets marocains et des sujets algériens, par suite se ménager une action plus simple, plus directe, écarter des tâtonnemens qui devaient nous coûter tant d’efforts.

C’est le devoir de plénipotentiaires de ne point se laisser tromper, j’entends de connaître à fond les choses et les faits concernant leurs négociations, et aussi de prévoir. Est-ce à dire que les signataires de la convention de Lalla Mar’nia se sont montrés au-dessous de leur tâche, et que, si ce traité nous apparaît aujourd’hui si défectueux, ils sont entièrement responsables des anomalies qu’il comporte? On peut hautement répondre que non. La convention de Lalla Mar’nia, signée par eux, fut à peu près ce que les circonstances permettaient alors qu’elle fût. S’il y a eu faute, cette faute remonte plus haut et elle s’explique. Elle est sortie tout entière de la situation politique et militaire que nous avions à cette époque en Afrique. L’examen de cette situation nous le fera comprendre, en même temps qu’il nous permettra de marquer le point de départ établi par la convention de Lalla Mar’nia